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"Non, il n’est pas seul", tranche sans ambages la Première dame, quand on lui dit de son époux qu’il serait isolé. Peu lui importe ce que peuvent en dire certains politologues, comme Vincent Martigny qui s’exprimait à ce sujet dans les colonnes du Monde, en 2019, et dont Femme Actuelle reprend le propos. A l’époque, le spécialiste déclarait que le président subissait "les conséquences d’une solitude qu’il a lui même imposée en contribuant à affaiblir des contre-pouvoirs déjà en situation d’effondrement". "Je vois bien ce qui leur tombe dessus, je vois la somme de travail. Je vois les dossiers. Il ne laisse rien de côté. Il écoute beaucoup. Il n’a pas de visiteur du soir, mais il écoute des gens très différents. Ca on ne le dit pas", rétorque l’ancienne enseignante, sur le plateau de RTL, le 12 février 2020. Et elle de poursuivre : "Il parle beaucoup, Il écoute beaucoup, mais pas à une seule personne". Avant de rappeler combien, à ses yeux, le chef de l’Etat pouvait se montrer ouvert.
Une vision très personnelle du pouvoir exécutif, qui jure avec celle que pourraient avoir le reste des Françaises et des Français pourraient pourtant avoir du locataire de l’Elysée. En effet : comme le rappelait BFMTV dès 2018, Emmanuel Macron a perdu un pan considérable de son capital sympathie, depuis son élection. Près de 8 votants sur 10 le jugeaient alors "autoritaire", tandis que 7 le décrivaient comme "arrogant". Un procès qu’ils lui faisaient encore en 2019, indique RTL, et que la presse continue de relayer. Marianne, par exemple, évoque même un "triomphe du centrisme autoritaire", dans un article publié le 30 janvier 2020.
Pourtant, si opposées ses visions peuvent sembler, elles ne sont pas nécessairement paradoxales, estime le politologue Bruno Cautrès. Pour l’enseignant-chercheur au CNRS, spécialisé en comportements politiques, élections et modes de scrutin, les deux vérités peuvent même co-exister.
Emmanuel Macron peut-il être autoritaire et ouvert ?
"Ce n’est pas la première fois que des témoignages privés brossent le portrait d’un chef d’Etat très différent de celui présenté dans la presse ou les sondages d’opinion. C’était aussi le cas de Jacques Chirac, qui était perçu comme très cassant quand il était en représentation alors que ses proches le décrivaient comme quelqu’un d’ouvert, capable de doute et d’écoute. Là aussi le contraste était gigantesque", souligne le chercheur, pour qui cet écart ne serait pas uniquement dû à un exercice de communication politique.
"Bien sûr, il est possible que cela vienne aussi de là : de tout temps, les personnalités qui entourent un président ont fait valoir son empathie comme qualité. Cependant, il y a peut-être des racines plus profondes, structurelles", juge l’expert. Pour autant, le seul propos de Brigitte Macron ne constitue pas une illustration fiable des rouages du pouvoir et ne suffirait à démentir le sentiment partagé par tout un pan de la population.
Emmanuel Macron gouverne-t-il seul ?
"Il ne faut pas oublier que le point de vue de Brigitte Macron est à la fois partial et partiel. Elle partage effectivement la vie du chef de l’Etat mais elle ne demeure qu’une spectatrice de l’exercice du pouvoir. Elle ne prend pas part à la prise de décision et n’assiste probablement pas à tout. Son témoignage est donc dicté, au moins partiellement parce que peut lui en rapporter son époux", nuance d’entrée de jeu le politologue.
"Le fait est que l’on manque d’indicateur empirique pour juger de la façon dont s’exerce le pouvoir dans le cadre du quinquennat d’Emmanuel Macron. Certes, Edouard Philippe affirme qu’il entretient, avec le président, une réputation comparable à celle de Charles de Gaulle et Georges Pompidou. Pour autant plusieurs articles de presse laissent entendre qu’il existe entre eux de réelles tensions. Lesquelles se constatent aussi entre le chef de l’Etat et sa majorité", souligne ensuite le politologue, qui estime que de tels éléments vont dans le sens d’un exercice du pouvoir très vertical, conformément à l’image que certains citoyens peuvent avoir du locataire de l’Elysée.
"Sans ces indicateurs, la réalité empirique devient mécaniquement difficile à cerner. Cependant, les témoignages et les éléments dont on dispose laissent penser qu’il y a moins de liant entre le président et les partenaires habituels du pouvoir. Moins de concertation, ou de coordinations, par exemple", poursuit l’enseignant.
Emmanuel Macron a-t-il organisé sa solitude ?
Une chose est sûre : Emmanuel Macron faisait peu de cas de ces nécessaires médiations politiques en début de quinquennat. Une situation qui, dit-il, a aujourd'hui évolué.
"C’est en effet le jeu qu’a joué le chef de l’Etat, en accédant aux plus hautes fonctions de la République. Il a voulu réinvestir symboliquement la fonction, qu’il estimait malmenée par la présidence de François Hollande. Dès lors les médiations et autres concertations ont été perçues comme des pratiques appartenant à l’ancien monde, des obstacles aux velléités de réformes du gouvernement", rappelle Bruno Cautrès.
Une attitude qui aura coûté cher au président de la République, puisque c’est en partie elle, indique le politologue, qui a engendré la crise des "gilets jaunes". "Il a alors dû envoyer d’autres signaux et se réconcilier au moins avec les maires", précise encore le chercheur CNRS.
Une situation qui n’est pas sans illustrer les graves problèmes de coordination et de communication qui rongent La République en Marche. Pour le professeur, cela vient notamment de la jeunesse de son mouvement. "Les députés dépendent entièrement du chef de l’Etat. Ils n’ont pas le même ancrage territorial que des élus Les Républicains, par exemple, et donc mécaniquement pas la même crédibilité quand il s’agit de dire à Emmanuel Macron qu’il se trompe. Forcément, il devient difficile d’établir des sparrings partners", note l’enseignant.
Et si le problème venait en fait… de la Vème République ?
Plus que de la seule façon dont Emmanuel Macron gouverne, cette solitude du chef de l’Etat parle de certains des problèmes inhérents à la Vème République. Certes, la jeunesse du mouvement présidentiel implique de potentielles erreurs : les rouages sont moins huilés et les parlementaires semblent échanger moins avec le chef de l’Etat que par le passé. Pourtant…
Il est indéniable qu’Emmanuel Macron n’est pas le premier président à rencontrer ce type d’isolement. "C’était aussi le cas de François Hollande en son temps, qui s’est retrouvé en conflit avec sa majorité. Nicolas Sarkozy, quant à lui, incarnait une autre forme d’hyper-présidentialité", souligne le politologue, pour qui cette verticalité n’est pas anodine.
"Elle illustre un problème structurel de notre régime : le président de la République, et d’une façon général l’exécutif, est tout puissant et peut se permettre de tout imposer. Mécaniquement, cela crée une distance", explique Bruno Cautrès.