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Après un long et étonnant silence, Emmanuel Macron a finalement décidé de s’exprimer. Prêt à occuper l’espace médiatique - voir à le saturer, estiment certains observateurs -, le président de la République devra répondre aux questions de Jean-Pierre Pernaut (TF1), ce jeudi 12 avril. L’entretien, qui doit avoir lieu dans école élémentaire de l’Orne, sera suivi d’une seconde interview, le dimanche de la même semaine. Ce deuxième face à face de deux heures sera conduit conjointement par Jean-Jacques Bourdin (RMC, BFM) et Edwy Plenel (Mediapart). N’en déplaise à Marine Le Pen, qui se dit "scandalisée" de ce choix d’intervenants, il s’agirait d’un engagement de campagne pris par le chef de l’Etat avant son élection.
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Toutefois, quand bien même le locataire de l’Elysée avait peut-être promis, ces prises de paroles ne sont pas innocentes : elles s’ancrent évidemment dans une stratégie de communication, débutée il y a un moment déjà. "Il faut resituer tout cela dans une perspective plus longue", insiste Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris II (Panthéon-Assas). "Pendant toute sa campagne, Emmanuel Macron a joué sur la défiance des Français à l’égard des médias. Il les a volontairement mis à l’écart, entraînant de nombreuses réactions dans le monde de la presse. Pendant un temps, il a pensé qu’il pourrait se passer d'eux", analyse-t-il. Pour lui, s’il n’y a pas eu de conflit ouvert, "les médias et Emmanuel Macron se sont regardés un temps comme des chiens de faïence".
Deux interviews, pour deux publics
Mais le président ne semble plus pouvoir tenir cette ligne. "Il sait bien qu’il y a, en France, certaines attentes de l’opinion auxquelles il doit se plier. Notamment quand il s’agit de venir se justifier et défendre ses choix politiques", indique le spécialiste qui constate un changement progressif dans la stratégie de communication du chef de l’Etat. Emmanuel Macron, qui fait actuellement face à des difficultés suite aux grèves et à des sondages défavorables, éprouverait donc "la nécessité de défendre ses choix et ses engagements". "Il cherche à atteindre un coeur de cible dans lequel s’installe doucement certaines rhétoriques qu’il veut combattre. Il s’agit de rappeler qu’il n’est pas le président des riches ou des villes, par exemple", explique Arnaud Mercier.
C’est dans cet objectif précis que le président aurait choisi de parler à des interlocuteurs variés dans des cadres si différents. "En acceptant l’interview de Jean-Pierre Pernaut et en lui répondant à Berd’huis, Emmanuel Macron cherche à s’adresser à un public bien particulier : la France rurale, la France des régions, mais aussi les retraités. Il veut les rassurer, notamment sur les questions concernant l’aménagement du territoire ou des disparitions localisées du service public", précise l’enseignant. "Quand il choisit Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, en revanche, il souhaite porter son message à une autre France : une France populaire mais aussi plus militante, peut-être. C’est une façon de parler aux gens de gauche, concernés par les grèves, par exemple."
Ce n’est toutefois pas le seul critère sur lequel le locataire de l’Elysée aurait choisi ses interlocuteurs. "Comme toujours, Emmanuel Macron s’inscrit dans la recherche d’efficacité : il cherche des émissions connues et qui drainent une certaine audience. En renouvelant les visages de l’interview politique, il souhaite aussi se démarquer des autres politiques qu’on croiserait plutôt sur le plateau de Ruth Elkrief", souligne le spécialiste.
Edwy Plenel, instrumentalisé pour diviser la gauche ?
Le profil d’Edwy Plenel, présenté comme le "flibustier de Mediapart" chez L’Obs, détonne un peu. Les positions politiques du président et du journaliste sont largement en conflit. Mais cette hostilité pourrait servir le président, qui veut vraisemblablement porter le fer jusque chez Mediapart. "Je doute qu’Edwy Plenel soit instrumentalisé dans l’idée de diviser la gauche : elle l’est déjà. Néanmoins, s’il se montre trop agressif, cela va profiter à Emmanuel Macron. Edwy Plenel serait vraisemblablement présenté comme un ‘gauchiste’ avec qui on ne peut pas discuter. De son côté, Emmanuel Macron pourrait se prévaloir de son cercle de la raison, ces gens de gauche et de droite qui voudraient faire avancer le pays", conclut le professeur à l’université Paris II.