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De Rugy, Hulot, Collomb : pourquoi les n°2 abandonnent Emmanuel Macron
Il était contraint de prendre un "nécessaire" recul. François de Rugy, qui fait désormais l'objet de multiples polémiques relatives à sa gestion de deniers publics pour son bien-être personnel, est le troisième ministre d'État à annoncer sa démission, depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron. Celle-ci fait évidemment suite aux enquêtes de Mediapart qui jettent le soupçon sur l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire — et qui auraient pu incarner une nouvelle affaire à tiroir potentiellement très préjudiciable pour l'exécutif. Pour autant, les deux précédentes défections n'étaient pas nécessairement plus agréables…
Avant le départ de François de Rugy, c'est Gérard Collomb et Nicolas Hulot qui ont fini par abandonner le chef de l'État. Le premier a dû présenter sa démission à plusieurs reprises et a littéralement forcé la main du président de la République, tandis que le second n'a même pas pris la peine de le prévenir de ses intentions. A la surprise de la France entière, peut-être, il a égrené les raisons de son départ sur le plateau de France Inter sans en avoir parlé à Emmanuel Macron.
A croire que le locataire de l'Elysée aurait un réel problème avec les n°2. "Pour Macron, l'enfer, c'est les autres", titre d'ailleurs L'Express (article abonné) à ce sujet, pointant du doigt les difficultés de management au sommet de l'Etat. "Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Emmanuel Macron n'a pas toujours eu la main heureuse", ajoute encore l'hebdomadaire.
Pourtant, il importe de rappeler que ces trois départs surviennent pour des raisons éminemment différentes. "Lire dans les renoncements de Gérard Collomb, Nicolas Hulot et François de Rugy, un important problème de management de la part de l'Elysée ne serait pas tout à fait honnête", rappelle d'ailleurs dans nos colonnes Jean Petaux, politologue et ingénieur de recherche à l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Bordeaux. "Certes, au final ils ont tous les trois démissionné. Cependant, c'est là la résultante de volontés diverses, parfois très différentes. De Rugy a été mis en cause par Mediapart. Le cas de Collomb présente quelques similarités puisque son départ est, à certains égards, un dommage collatéral de l'affaire Benalla. Mais ce n'est pas tout : s'il a souhaité partir à ce moment précis, c'est aussi parce qu'il a eu vent de ce qui se tramait contre lui à Lyon", souligne-t-il.
"Le cas de Nicolas Hulot est le plus différent des trois : il est parti sur un choix personnel, politique. C'est un dissensus fort qui l'a poussé à partir", explique encore le politologue qui n'oublie pas qu'ils occupèrent tous trois un poste particulièrement important, compte tenu de leur position dans l'ordre protocolaire du gouvernement. "Les circonstances de leurs départs et leur titre de ministre d'Etat relève, à mon sens, de la coïncidence. Certes, il y a pu avoir quelques erreurs de casting mais n'oublions pas qu'au total, 15 ministres ont quitté le gouvernement aujourd'hui. Fondamentalement, ce n'est pas le choix du président qui pose un véritable problème", estime-t-il. Et lui d'ajouter : "Par ailleurs, les nouvelles exigences de transparence complexifient mécaniquement sa tâche quand il s'agit de nommer un nouveau ministre."
Emmanuel Macron et les n°2 : pourquoi a-t-il supprimé le titre de ministre d'Etat ?
"Les numéros 2 de ses gouvernements (successivement Gérard Collomb, Nicolas Hulot et François de Rugy) sont tous partis, les ministres d'Etat tombent comme des mouches, au point qu'une décision sage vient d'être prise : pour gommer la difficulté, on supprime le titre", expliquent les journalistes de L'Express, qui ne manquent pas de souligner un parallèle avec François Hollande qui "ira droit au coeur" du président. Faut-il y voir, somme toute, un certain aveux d'échec ? Pas nécessairement, juge Jean Petaux.
"Le titre de ministre d'Etat est purement honorifique. Concrètement, il offre à celui ou celle qui le porte la possibilité d'employer plus d'individus dans son cabinet, ce qui n'est pas négligeable, mais il n'est absolument pas nécessaire à la bonne composition d'un gouvernement. François Hollande n'est pas le seul président à ne pas avoir eu de ministre ainsi décorés. Ce fut également le cas dans les années 70, par exemple", rappelle l'ingénieur de recherche à Sciences Po.
"Il ne faut pas non plus perdre de vue la dimension très politique de ce titre : il est conféré pour distinguer un ministre et incarne, au gouvernement, la locution latine primus inter pares. Il sert donc à honorer une personnalité de premier plan, fut-elle politique ou non. C'est pour cela qu'il avait été confié à Nicolas Hulot, par exemple", analyse le chercheur. Naturellement, une telle exposition rejaillit aussi sur le territoire politique concerné par le maroquin. "C'est pour cela que François de Rugy a conservé son titre : il s'agissait de prouver que l'écologie demeurait une thématique pour le gouvernement ", détaille-t-il.
Néanmoins, la question se pose : si l'écologie compte tellement pour Emmanuel Macron, pourquoi ne pas maintenir le titre pour Elisabeth Borne ? La nouvelle ministre de la Transition écologique et solidaire retombant à la 5ème place de l'ordre protocolaire du gouvernement, le sujet semble effectivement moins important. " A l'inverse de François de Rugy, Elisabeth Borne n'a pas un poids politique très conséquent. N'oublions pas que de Rugy était un rallié, converti sur le tard au macronisme. A certains égards il a un côté prise de guerre. Borne, en revanche, jouit d'ores et déjà d'une crédibilité technique, du fait de son parcours. Elle n'a pas besoin d'être renforcée ", affirme le politologue.
Emmanuel Macron et les n°2 : faut-il s'attendre à d'autres départs ?
Toutefois, quand bien même Elisabeth Borne a perdu " son " titre de ministre d'Etat, le numéro 2 du gouvernement demeure une femme : il s'agit de Nicole Belloubet, la Garde des Sceaux. Un choix pertinent, aux yeux du chercheur.
" Si Emmanuel Macron entend conserver ses n°2, le choix qu'il vient de faire n'est pas idiot : opter pour une femme est une bonne idée. Par ailleurs, Nicole Belloubet a l'avantage de ne pas faire partie de ces personnalités sans cesse exposées dans les médias. C'était le cas de François de Rugy et il en a payé le prix ", explique Jean Petaux. Selon lui, cependant, un ministre très exposé aurait moins souffert de la campagne qu'a essuyé l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire s'il avait eu " plus d'épaisseur politique ", ou " davantage de soutiens ", comme Gérard Collomb. " François de Rugy avait tout du gibier de potence ", estime-t-il.
" Nicole Belloubet n'a pas occupé de fonction politique particulièrement visible par le passé. Elle a le profil d'une technicienne. Aujourd'hui, certes, elle est Garde des Sceaux... Mais dans la mesure où elle ne nourrit aucune ambition politique particulière, cela ne devrait pas poser problème à Emmanuel Macron. C'est pourquoi elle pourrait être plus stable à ce poste que ses prédécesseurs ", souligne l'ingénieur de recherche à l'IEP Bordeaux.