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"Voici que ce monsieur entré par effraction veut y rester par dissimulation", s’agaçait récemment Jean-Luc Mélenchon au sujet d’Emmanuel Macron, à l’occasion de son meeting rémois. Le patron de la France Insoumise (FI), qui a d’ailleurs abandonné son titre de président de groupe à l’Assemblée nationale au profit de Mathilde Panot, n’a pas hésité une seconde avant de griffer le chef de l’Etat. "Le sortant a des devoirs : rendre compte de ce qu'il a fait, de ce qu'il n'a pas fait et ouvertement dire ce qu'il compte faire", a-t-il en effet déclaré ce dimanche 17 octobre 2021, indique LCI sur son site.
Et lui d’enchaîner, sans ambages : "Qu'est-ce qu'une élection, monsieur Macron ? C'est un peuple qu'on appelle à se poser des questions qui le concernent et qui doit trancher". Avant d’accuser, sans pour autant prononcer le mot, le président de la République de tricher. "Il n'est pas président parce qu'il est candidat, mais il ne le dit pas pour que cela ne rentre pas dans ses comptes de campagne", juge en effet l’ancien ministre socialiste, en charge de l’enseignement professionnel sous Lionel Jospin.
Autant de critiques courantes, qu’ont eu à souffrir de nombreux présidents sortants ; et même des hommes ainsi que des femmes politiques n’ayant jamais brigué les plus hautes fonctions de l’Etat. Mais n’y a-t-il pas une part de vrai dans ce que dit aujourd’hui le tribun de la gauche ?
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"Il faudra bien qu’Emmanuel Macron se déclare un jour ou l’autre. Cependant, il n’a aucune obligation à le faire avant le début de la campagne présidentielle et est en droit de se lancer tardivement", rappelle d’entrée de jeu le politologue Christophe Bouillaud, enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes Politique (IEP, Sciences-Po) de Grenoble. "Il est évident que la situation actuelle lui profite : elle lui permet de montrer son activité, celle de son gouvernement, sans avoir à faire campagne à proprement parler. Il bénéficie aujourd’hui d’un avantage structurel : tout ce qu’il fait ou dit est scrupuleusement scruté par la presse. Les médias rendent compte de ce qu’il entreprend, puisqu’il est le président", précise encore le spécialiste.
Dès lors, il va sans dire que le chef de l’Etat n’a pas à jouer avec les mêmes obligations que les autres. "Il n’est pas contraint par quelques règles de parité de la représentation. Personne ne peut exiger de lui qu’il se tienne en réserve de la République. De par sa fonction, il est même obligé d’intervenir, d’occuper l’espace. Et il peut se permettre d’entrer très tardivement en campagne… puisque l’actualité fait mécaniquement campagne pour lui", analyse encore le chercheur.
Dans ce cas de figure, des attaques comme celles de Jean-Luc Mélenchon - qu’il est d’ailleurs loin d’être le seul à avoir tenu de tels propos, par ailleurs - peuvent-elles encore faire sens ?
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Force est de constater, en tout cas, que Jean-Luc Mélenchon et les autres opposants sont dans leur rôle. "La critique est assez convenue", souligne en effet Christophe Bouillaud, non sans rappeler que ce genre de reproches se font légion à l’approche d’un scrutin. Y compris quand ce dernier n’a rien à voir avec l’élection présidentielle…
"Cela ne signifie pas que les attaques du fondateur de la France Insoumise sont fondées. A bien des égards, la critique qu’il porte n’a pas lieu d’être. Emmanuel Macron bénéficie du privilège du sortant, c’est indéniable. Mais le critiquer revient à dénoncer le fait qu’il y ait un sortant… Ce que fait le président aujourd’hui est une pratique normale pour tout politique en sortie de charge élective", analyse le politologue, qui ajoute que "si aucun président ne peut se passer de cela, il en va aussi de l’obligation de continuité de l’Etat".
L’exécutif se doit, en somme, de continuer à remplir son devoir jusqu’au terme de ses fonctions. "Des règles précises régentent d’ailleurs ce que le président est en droit ou non de faire, notamment au regard des comptes de campagne qu’a évoqué Jean-Luc Mélenchon. Rappelons que la campagne d’un président sortant n’a théoriquement pas besoin de coûter aussi cher que celle d’un opposant, tant l’actualité lui permet d’occuper l’espace sans avoir à engager de frais", souligne l’enseignant. Reste pourtant l’exemple Nicolas Sarkozy : en 2012, face à François Hollande, les comptes ont pu… déraper. Et créer un précédent de méfiance chez les électeurs.
"Je doute, pour ma part, qu’Emmanuel Macron reproduise ce genre d’erreur alors que l’affaire Bygmalion est si régulièrement discutée, qu’il se sait d’avance scruté sur ce sujet", fait pourtant savoir Christophe Bouillaud. Et le chercheur de rappeler que, du fait de la dotation perçue par LREM depuis le début du quinquennat, le parti dispose normalement d’assez d’argent pour épauler son créateur…
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Ces attaques, si attendues soit-elles alors même que le président ne saurait-être légitimement accusé de triche, ne cachent-elles pas un tout autre reproche ? C’est en tout cas ce que semble penser Christophe Bouillaud. "Je crois que l’on reproche à Emmanuel Macron de ne pas arriver complètement rincé à la fin de son premier quinquennat. De toute évidence, il en a encore sous le pied et cela lui permet de se projeter pour les cinq prochaines années. Pour l’opposition, c’est forcément un problème", tranche en effet l’enseignant-chercheur.
Et lui de conclure, détaillant sa pensée : "Emmanuel Macron essaye désormais d’instaurer un fait accompli : l’idée qu’il sera de nouveau président en 2022. Que la campagne électorale et l’élection présidentielle ne sont guère que des formalités. C’est aussi laisser entendre que les opposants n’incarnent que des inconvénients mineurs. Ce qui, forcément, est très gênant pour ces derniers…"