De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
"La fronde des avocats est certes très médiatisée, mais cette profession ne compte que 70 000 personnes, ce qui pèse peu électoralement", rappelle sans ambages Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d'entreprise de l'institut Ifop, dans les colonnes du Figaro. Et le journal de poursuivre : aux yeux du chef de l'Etat, le vote des avocats n'est probablement pas "décisif". En somme, pas de quoi inquiéter Emmanuel Macron qui pourrait potentiellement se passer de ce vivier, si cela devenait nécessaire pour mener sa réforme.
Dans tous les cas, le président de la République fâchera mécaniquement une partie de l'électorat, estime le sondeur. "Rassurer l'électorat de droite (et notamment sa composante retraitée), en prenant des mesures d'économie et de stabilité financière, ou répondre aux attentes de la centrale de Belleville et aux inquiétudes des enseignants, il faudra choisir…", précise-t-il.
Une question se pose alors : qui fâcher et qui caresser dans le sens du poil ? Pour Raul Magni-Berton, enseignant chercheur en sciences politiques à l'Institut d'Etudes Politiques (Sciences-Po) de Grenoble, spécialisé dans les domaines touchant à la démocratie, la citoyenneté, les élections, la redistribution, les révoltes et l'immigration, la réponse est toute trouvée. "En France, il n'y a pas plus gros vivier électoral que les personnes âgées. Non seulement, il est en croissance en pourcentage de la population puisque celle-ci à tendance à vieillir, mais en plus ils sont généralement plus actifs que les autres quand il est question d'aller voter", résume le politologue, affilié au Laboratoire Pacte, qui publiait récemment un livre intitulé RIC : Le référendum d'initiative citoyenne expliqué à tous.
Emmanuel Macron doit-il craindre les retraités ?
Selon lui, il n'y a d'ailleurs pas de doute possible : le président craint les votant les plus âgés. "Force est de constater que le chef de l'Etat, comme ses prédécesseurs avant lui, cherche à épargner les retraités. Alors même que sa réforme porte précisément sur notre système de solidarité inter-générations. Il s'agirait de ne faire aucune réforme susceptible de s'aliéner cet électorat. Après tout, c'est la première population à ne pas brusquer", explique l'enseignant.
D'autres populations présentent elles aussi un poids électoral considérable, rappelle-t-il. C'est le cas des Françaises et des Français habitant Paris, mais aussi de ceux qui ont opté pour une vie plus rurale. "Parce qu'il y a plus d'électeurs dans les grandes villes que dans nos campagnes, un vote individuel a plus de poids dans un petit village que dans une métropole", précise le chercheur.
Quid des grévistes ?
"Intrinsèquement, le poids électoral des grévistes ne représente pas grand chose. Pour autant, c'est loin d'être le seul outil dont ils disposent pour faire flancher le gouvernement", analyse le chercheur, qui soutient que c'est bien la bataille de l'opinion qui prime. "Personne n'aime la grève. Elle complique les transports et, d'une façon générale, rend la vie moins facile. Tout le combat consiste alors à faire passer le gouvernement pour responsable de la paralysie… Ou au contraire à rejeter la faute sur les opposants. Quand l'opinion suit les grévistes, l'exécutif finit généralement par reculer", rappelle Raul Magni-Berton.
Le seul poids électoral n'est donc pas nécessairement un indicateur fiable des rapports de force politiques. D'autant plus qu'il arrive que tout ou partie de la population prenne fait et cause pour un combat qui ne l'engage qu'indirectement où à long-terme, comme c'est le cas de l'écologie explique-t-il. "Il s'agit d'un exemple extrême de mobilisation de l'électorat quand bien même personne n'a d'intérêt direct à ce combat", précise le politologue. Peu à peu, l'écologie s'est fait une place sur le champ politique français parce que le sujet, dans une certaine mesure, parle davantage aux électeurs de tous bords.
Le soutien de la population suffit-il ?
Pour autant, si le seul soutien de l'opinion suffit, comment expliquer que des mouvements tels que celui des "gilets jaunes" n'ont pas su faire durablement reculer le pouvoir en place ? Bien que contestés, ils bénéficiaient tout de même d'un support relatif au sein de la population Française.
"Si les ‘gilets jaunes' n'ont pas pu transformer l'essai comme le font aujourd'hui les syndicats, c'est parce qu'il leur manquait une certaine homogénéité. Leur caractère disparate qui les empêchaient de tenir un discours très clair ou de coordonner leurs interventions médiatiques n'a pas aidé à les rendre audibles sur leurs revendications. En outre, contrairement aux mouvements de grèves, ils n'avaient pas les moyens financiers nécessaires pour mettre en oeuvre les actions qu'ont pu engager les syndicalistes", analyse le chercheur,
Par ailleurs, selon lui, cette situation illustre bien le manque d'outils permettant au peuple d'exercer le rôle de contre-pouvoir contre un exécutif aussi fort que celui d'Emmanuel Macron. Et lui de conclure : "Les Français ont la réputation d'être souvent dans la rue. Mais cela ne vient pas de nulle part : c'est parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens de signifier leur mécontentement face à une politique donnée. N'oublions pas que la principale revendication des ‘gilets jaunes' reste le référendum d'initiative citoyenne… Cela n'a rien d'anodin".