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Réforme des retraites, de l'assurance-chômage, du code du travail… Depuis son arrivée au pouvoir, le président a multiplié les chantiers, soucieux d'entretenir une certaine image. Il s'agit, comme le rappelait France Info à l'heure des voeux du 31 décembre 2019, de rester fidèle à ce sobriquet qu'il cultive : le "réformateur".
A l'approche des 1000 jours, date anniversaire de son ascension aux plus hautes fonctions de la République, Le Figaro consacre un long article au chef de l'Etat. Et le quotidien de constater que le fondateur de La République en Marche a "complètement rebattu les cartes du paysage politique en France", s'est engagé corps et âmes dans ses dossiers. "Une hyperprésidence nécessaire pour mener à bien la transformation voulue du pays", assène le journal.
Avant d'alerter sur le coup d'arrêt qu'il pourrait bientôt connaître : les retraites - et l'importante contestation qu'elles génèrent - pourrait mettre un stop à son élan. "L'agenda des prochains mois sur les réformes reste flou", note encore Le Figaro. Ce qui ne serait pas nécessairement un mal, assure pourtant le politologue Raul Magni-Berton dans nos colonnes.
"Certaines questions, qui touchent à la fiscalité ou à la retraite par exemple, sont essentielles et doivent être traitées comme telles. Des réformes de cet ordre sont susceptibles de modifier considérablement un modèle, que d'aucuns jugeraient trop ancien, pour mieux l'adapter aux exigences contemporaines. Pour autant, la qualité d'une réforme ne s'évalue pas aux seuls gain en efficience qu'elle apporte ! D'autres facteurs sont à prendre en compte", lance d'abord l'enseignant-chercheur à l'Institut d'Etudes Politique (IEP, Sciences-Po) de Grenoble.
"La qualité du dialogue social et la capacité d'un gouvernement à réformer sur la base d'un consensus négocié font aussi parti intégrante de la qualité d'une réforme. Allez contre le refus d'une population et gérer une nation comme une entreprise ne produit pas de bases saines sur lesquelles évoluer", alerte-t-il, estimant que c'est là un des défauts du président, à compter dans son bilan.
Emmanuel Macron : grand champion de la réforme en France ?
"Cela ne fait aucun doute, si l'on se fie au seul nombre des chantiers ouverts, Emmanuel Macron est un grand réformateur. Pour autant, réformer autant sans jamais chercher le consensus n'est pas pertinent ! Même pour lui, le choix semble peu logique : à force de braquer l'opinion, il risque de perdre les soutiens qui ne voudront pas trop se mouiller. Se faisant, il renforce son opposition et provoque des tensions au sein de sa majorité", analyse le chercheur, qui signait récemment l'ouvrage RIC : Le référendum d'initiative citoyenne expliqué à tous : Au coeur coeur de la démocratie directe.
"Néanmoins, le chef de l'Etat n'avance pas cette image sans objectif", nuance-t-il ensuite. "Il s'agit pour lui de faire passer un message politique, de dire qu'il cherche à réformer mais est bloqué par une France trop conservatrice pour accepter le changement. Ce qui, au regard de son électorat, pourrait le rendre moins comptable de promesses non tenues", rappelle le politologue, pour qui il ne faut pas non plus exclure d'autres raisons, plus personnelles.
"Il est possible que le président de la République souhaite également se donner le beau rôle. C'est tout à fait humain", souligne-t-il.
Grand débat, convention citoyenne sur le climat… Quid des innovations démocratiques ?
Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a multiplié les événements supposés libérer la parole populaire. Grand débat à l'issu de la crise des "gilets jaunes", convention citoyenne sur le climat… Les procédés sont nombreux. Est-ce à dire qu'ils sont pertinents, ou efficaces ? Pas nécessairement.
"Il ne faut pas se mentir : le grand débat voulu par le président de la République s'est révélé être une catastrophe. Il a été terriblement onéreux et manquait beaucoup trop de méthodologie pour donner lieu à quoique ce soit de recevable", assène sans ambages Raul Magni-Berton. "A partir du moment où personne ne sait ce que deviennent les doléances, comment elles sont sélectionnées et quel impact elles auront sur la prise de décision, il n'y a pas de transparence, pas de règle. Or, ce sont ces règles qui permettent la démocratie. Sans elles, il devient facile de tronquer ou remanier les résultats de sortent à ce qu'ils favorisent le parti souhaité. C'est la définition même du populisme", poursuit-il.
Le politologue manque aussi de gentils mots au sujet de la convention citoyenne pour le climat. Sans réellement qualifier le projet, il estime qu'il faudra en attendre la conclusion pour poser dessus un véritable jugement. "Au final, le bilan d'Emmanuel Macron n'est pas des plus reluisant, ce qui n'est pas très étonnant. Parce qu'il se soucie si peu de l'opinion populaire, il pousse les gens dans la rue. Mécaniquement, il lui devient alors plus dur de gouverner…", note le chercheur.
Côté bilan économique, comment se porte le président ?
Le chef de l'Etat peut au moins se vanter de la baisse du chômage. D'après Challenges, le président pourrait même "gagner son pari" en la matière. Il avait promis de ramener le taux de chômeurs et de chômeuses à 7% d'ici 2022. A Versailles, il a dit vouloir "rendre la France attractive", en vue de récupérer davantage de capitaux étranger, rapporte RTL. S'il y a bien un sujet qui semble sourire à Emmanuel Macron, c'est l'économie. Ou pas.
"N'oublions pas que s'il est facile de se vanter de résultats économiques, il est plus difficile d'en attribuer la parenté exacte. Il peut largement y avoir un effet de conjoncture qui complexifie considérable l'interprétation de résultats fussent-ils indéniables par ailleurs", tempère Raul Magni-Berton. "Chacun choisit ensuite son indicateur : on peut estimer que la France redevient attractive à la suite de la politique d'Emmanuel Macron… où que c'est le Brexit qui lui permet de monter", rappelle le spécialiste.
Au final, de quoi peut vraiment se vanter Emmanuel Macron ?
"S'il fallait retenir quelque chose du quinquennat d'Emmanuel Macron, à 1000 jours de sa prise de pouvoir, j'opterais pour la nature de sa proposition initiale", explique le politologue pour qu'il, à l'origine, le président propose un "mouvement neuf", "alternatif" et "en dehors des partis".
"Étonnement, de cette proposition est essentiellement née une forme de déception. Cependant, il faut aussi rappeler que c'est aujourd'hui l'une des structures qui jouit d'une base électorale stable et solide : celles et ceux que La République en Marche s'est aliénée sont ceux-là même qui n'étaient pas très attaché à son projet, à l'origine", poursuit le chercheur, non sans rappeler que le candidat En Marche avait réuni 25% de l'électorat environ.
"En prenant en compte l'abstention, cela représente 13% des Françaises et des Français en mesure d'aller voter. Aujourd'hui c'est suffisant pour se créer un poids électoral considérable", précise-t-il.