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Appauvrissement de l’Etat : les Français vont-ils devoir se serrer la ceinture ?
Le ministère des Comptes publics est formel : les recettes fiscales de l’Etat accusent un net recul par rapport au premier semestre 2017. Elles ont reculé de 2,4%, sans tenir compte de l’inflation, rapporte Alternatives Economiques. En l’incluant dans les calculs, la chute s’accentue : elle est de 4,5 %. Ce qui représente un trou de 14 milliards d’euros sur un an.
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"L’érosion de la base fiscale des Etats modernes est un véritable problème et son impact sur le quotidien des Français est réel", estime Frédéric Farah, économiste, chercheur affilié au PHARE et enseignant à l'université Panthéon-Sorbonne. "Moins de recettes implique mécaniquement une baisse des dépenses publiques. Particulièrement quand la croissance sur laquelle tablait le président de la République n’est finalement pas au rendez-vous. Concrètement, les services dont bénéficient les Français vont donc se dégrader", explique-t-il. Attendez-vous donc à des médicaments moins bien remboursés, une prise en charge de services santé beaucoup plus partielle, forçant les malades à payer davantage… Les risques sont légions. "Ce ne sera pas nécessairement de la grande austérité, mais le gouvernement va fermer les valves. Les Français vont donc perdre en pouvoir d’achat et payer pour des services moins efficaces. Les budgets de l’armée seront probablement revus, de même que ceux affiliés aux aides au logement, par exemple. C’est à la fois arithmétique et politique. Emmanuel Macron jouera probablement sur le symbole, en communiquant sur des mesures comme l’allocation de rentrée scolaire, mais cela ne changera rien à la tendance. C’est un point de détail."
Face à cela, le gouvernement pourrait-il être tenté d’augmenter les impôts ? Pour l’économiste, c’est une possibilité, quoique peu probable. "Si l’érosion des recettes est trop forte pour que la baisse des dépenses suffise, nous ne sommes effectivement pas à l’abri d’une hausse d’impôt. Elle n’est jamais exclue. Toutefois, dans le contexte actuel, l’inflation rogne déjà le pouvoir d’achat des Français. Je doute que l’exécutif s’essaye à une nouvelle taxe dans l’immédiat", indique le chercheur.
Appauvrissement de l’Etat : comment en est-on arrivés là ?
"Cette situation trouve ses racines dans des choix politiques. Elle illustre très bien le contraste entre une France qui n’a de cesse de s’enrichir depuis les années 70 et l’appauvrissement – pourtant bien réel – de l’Etat", analyse l’enseignant-chercheur. "La part du capital public dans le capital national est en constante baisse. Et, comme l’expliquait Thomas Pikkety, cela limite nécessairement la capacité de l’action de l’Etat, quand il s’agit de lutter contre les inégalités", poursuit-il.
D’après Frédéric Farah, cette situation est même à l’origine de la crise qui plombe l’économie française depuis des années. "La crise de la dette publique est moins une crise de la dépense qu’une crise de l’érosion des recettes fiscales. Et celle-ci n’est pas accidentelle ! Elle est volontaire. C’est le résultat des allègements fiscaux, des flat tax et d’une façon générale de l’érosion des revenus perçus par l’Etat en provenance des entreprises ou des ménages les plus fortunés du pays", assène l’économiste, pour qui le gouvernement procède ainsi parce que "c’est la seule solution qu’il lui reste". "Aujourd’hui – et depuis des années déjà – l’Etat ne peut jouer que sur le levier fiscal. Le levier budgétaire est bloqué, notamment pour des questions de réputation et d’image : il faut paraître vertueux et donc minimiser le budget, de façon à correspondre au moins officiellement aux attentes européennes. Le levier monétaire n’est plus utilisable non plus depuis la création de l’euro, pour des raisons évidentes."
Cependant, cet appauvrissement de l’Etat répond également à une logique politique bien particulière : certain libéraux l’ont d’ailleurs instrumentalisée pour forcer l’Etat à réduire ses engagements dans des secteurs clef comme la sécurité sociale ou l’éducation. "Starve the beast, disait Ronald Reagan. Il voulait littéralement affamer la bête pour en finir avec l’Etat providence et la protection sociale. C’est une politique dangereuse : l’Etat organise sa propre ruine, se désarme fiscalement et abandonne ses ambitions de redistribution. C’est d’autant plus risqué que cela attaque la légitimité même de l’Etat, puisqu’il n’est plus en mesure de fournir à ses citoyens des services de qualité…", juge l’économiste affilié au PHARE.