De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
"Nous tablons sur une baisse significative des cotisations comprise entre 10 et 15% sur toute l'année. Il va y avoir un problème de financement", lance sans ambages Valérie Batigne, dans les colonnes de Capital. Elle travaille pour le cabinet spécialisé Sapiendo retraite et juge que la situation de l'Agirc-Arrco a de quoi inquiéter. Selon elle, poursuit le mensuel de référence en économie. Seule solution, estime-t-elle, un arbitrage portant sur le montant des pensions ou l'âge de départ à la retraite. "Si les deux premiers scénarios semblent peu probables, hormis un gel des pensions, on pourrait très bien envisager la mise en place d'incitation à travailler plus longtemps", explique-t-elle encore. La problématique est toujours la même : celle de l'équilibre du régime complémentaire. D'autres prônent aussi un gel des pensions - y compris celles issues du régime général, dépenses anti-Covid oblige.
"Geler les pensions de retraite revient mécaniquement à les minorer. En terme réels, on appelle ça une baisse", tranche d'entrée de jeu Florence Legros, économiste et directrice de l'ICN Business School, qui fait part à Planet de son analyse. "C'est la résultante évidente du retour attendu de l'inflation", poursuit-elle, non sans rappeler que "le pouvoir d'achat des actifs, en moyenne, va baisser". "Par conséquent, en comparaison, le pouvoir d'achat relatif des retraités va augmenter".
"Les retraités sont parmi ceux qui se sortent le mieux de la crise sanitaire"
Il faut, selon elle, réaliser une chose : sur le plan financier, les retraités comptent parmi ceux qui se sortent le mieux de la crise sanitaire. "C'est vrai aussi pour les fonctionnaires", tempère-t-elle.
"Forcément, la question du gel des pension peut se poser de façon légitime. Ce n'est pas le moment de taper sur les actifs, au risque de durablement malmener l'économie", poursuit-elle. Et elle de conclure : "On va vers des problèmes d'emploi, ce n'est pas comme si on pouvait se le permettre. Entamer le pouvoir d'achat des actifs serait dangereux".
Est-ce à dire qu'il faudra forcément revenir sur le montant des pensions de retraites. Pas nécessairement. Explications.
Les autres leviers du gouvernement qui sauveront peut-être les pensions de retraite
"Théoriquement, le gouvernement dispose de différents leviers économiques pour agir sur l'équilibre du régime des retraites", commence la directrice de l'ICN Business School, qui enseigne l'économie. "Emmanuel Macron peut jouer sur la durée de travail obligatoire avant la liquidation des droits, sur le montant de cotisations - soit en augmentant le taux, soit en forçant à cotiser plus longtemps - ou sur le montant de la pension de retraite", résume-t-elle.
Dans l'état actuel des choses, le président de la République semble avoir fait son choix.
"Jusqu'à présent, Emmanuel Macron a choisi de geler le pouvoir d'achat des retraités afin d'éviter une hausse des prélèvements sur les actifs. Pour autant, il serait faux de prétendre que l'action de l'exécutif s'arrête là. Ce serait oublier l'action de la loi Pacte", rappelle Florence Legros.
L'économiste est formelle : la loi défendue par Bruno Le Maire ouvre la porte à une augmentation, à terme, des revenus des retraités français. "Certes, cela concerne surtout les contribuables qui partiront dans quelques années, mais en poussant les Françaises et les Français vers l'épargne retraite, l'Etat fait une croix sur une partie de l'argent public qu'il pourrait aujourd'hui toucher. Au profit des citoyens", estime-t-elle. "Sauf à estimer que seul un modèle par répartition pure est viable, c'est un choix intéressant pour les retraités français", juge encore Florence Legros pour qui nous n'avons pas encore "le bon instrument" pour permettre une retraite par capitalisation aussi optimale que faire se peut.
Pensions de retraite : l'Etat dépense-t-il trop pour vous ?
"En matière de retraite, les dépenses de l'Etat sont de fait trop élevées", estime Florence Legros. Pourtant, poursuit-elle, le problème ne vient pas des anciens actifs à proprement parler.
"Ce n'est pas un constat qui permet de critiquer le montant individuel des pensions de retraite. Le soucis est d'ordre démographique. L'espérance de vie s'allonge sans cesse - le coronavirus n'engendrera probablement qu'un bref accroc temporaire, rapidement lissé par la suite - et par conséquent nous vivons plus vieux. Nous sommes aussi plus nombreux à vivre plus vieux", rappelle la directrice de l'ICN Business School qui évoque, du point de vue financier, "un problème structurel et non conjoncturel".
"C'est un phénomène irréversible. On ne peut pas résoudre ce genre de soucis en faisant plus d'enfants, puisqu'il faudra aussi payer leurs pensions à terme. Ce serait déplacer le problème. Augmenter les salaires, ainsi que le souhaite Philippe Martinez, ne serait pas non plus une solution : cela engendrerait des retraites plus chères, qu'il faudrait aussi payer en temps voulu. Concrètement, on produirait une bombe, qui détonerait dans 60 ans environ", alerte l'économiste pour qui l'introduction d'un dispositif de capitalisation fait office de meilleure alternative.