Face à la montée des cyberattaques, le FBI et la CISA recommandent d’arrêter d’envoyer des SMS entre utilisateurs d'iPhone et d'Android. Un conseil qui ne vise pas seulement les Américains mais tous les...
- 1 - 1. Reprendre un chantier d'autoroute : son projet le plus fou
- 2 - 2. Après la tempête Xynthia : Philippe Berre se lance dans un nouveau chantier
- 3 - 3. L'escroc condamné 16 fois
- 4 - 4. Philippe Berre : un arnaqueur au grand coeur ?
- 5 - 5. Philippe Berre : ceux qui l'ont approché témoignent
- 6 - 6. 'A l'origine' : un film qui raconte son imposture
1. Reprendre un chantier d'autoroute : son projet le plus fou
Lorsque Philippe Berre se présente en 1997 à Saint-Marceau, dans la Sarthe, il n'en est pas à sa première escroquerie. Pourtant, il s'apprête à se lancer dans le chantier le plus fou qu'il ait jamais imaginé : construire une autoroute !Tout commence quelques mois plus tôt, lorsqu'il est engagé dans une entreprise de travaux publics, l'entreprise Cochery à Charolles, en Saône-et-Loire. Il y travaille plusieurs mois avant de partir et d'emporter un carnet de bons de paiement de la compagnie.Avec ces bons, Philippe Berre, 43 ans, arrive dans la Sarthe en février 1997. Sous le nom de Roger Martin, le nom du directeur de Cochery, il se fait passer pour le patron de la société et s'engage à reprendre le chantier de l'autoroute A28, abandonné deux ans plus tôt. L'homme impressionne. Dès lors, tout Saint-Marceau, habitants, entrepreneurs et élus, voient en lui l'homme providentiel qui relancera l'économie de leur région, durement touchée par le chômage. La confiance est telle que, sans garantie, l'imposteur réussit à obtenir un prêt de 60 000 francs (9 000 euros) auprès d'une banque.Début 1997, pendant deux mois, sans relâche et avec maîtrise, Philippe Berre organise la préparation des travaux, embauche une trentaine de personnes, commande des engins et des tonnes de matériaux autoroutiers pour cet ouvrage monumental. Mais les problèmes financiers surviennent. Après un mois de travail, Philippe Berre doit annoncer à ses employés qu'il ne peut pas les payer et tente de les rassurer.Le 7 mars 1997, les travaux de l'autoroute commencent. Les machines tournent à plein régime et Philippe Berre se crée rapidement la réputation d'un patron compétent. Mais l'homme ne se laisse pas griser. Il sait que tôt ou tard, la supercherie sera découverte... Les entreprises commencent à réclamer de l'argent et envoient leurs factures à la société Cochery. Le vrai Roger Martin porte alors plainte. Pour les gendarmes, retrouver l'entrepreneur responsable est un jeu d'enfant... Lorsqu'il est arrêté le 17 mars, 10 jours après le début des travaux, Philippe Berre n'oppose aucune résistance et reconnaît les faits sans problème.Ironiquement, les premiers utilisateurs de l'autoroute seront les gendarmes et le juge d'instruction venus arrêter l'escroc. Lorsque le juge demandera à Philippe Berre les raisons de ce projet fou, l'imposteur répondra : "Pour la première fois de ma vie, j'étais quelqu'un"...Après son arrestation, le tronçon d'autoroute construit par l'escroc a été expertisé : il était parfaitement fonctionnel. Construits plus rapidement et pour un coût inférieur à une autoroute classique, les deux kilomètres de cette A28 ont cependant été détruits par l'Etat, puis reconstruits. En effet, selon la loi, l'Etat ne pouvait se faire receleur du produit d'une escroquerie, malgré la qualité reconnue de l'ouvrage.En tout, le préjudice de cette imposture a été estimé à un million de francs, environ 150 000 euros.
2. Après la tempête Xynthia : Philippe Berre se lance dans un nouveau chantier
Après son coup d'éclat dans la Sarthe, où il avait repris le chantier de l'autoroute A28, Philippe Berre, 56 ans, décide de récidiver. Il s'attaque à nouveau à un chantier d'envergure : l'aide aux sinistrés de la tempête Xynthia, qui a touché les côtes atlantiques les 27 et 28 février 2010.Celui que tout le monde pensait mort en raison de ses problèmes de santé, se rend le 4 mars 2010 au poste de commandement de Charron, en Charente-Maritime, une ville gravement touchée par la tempête. Après avoir passé sa vie à rêver à une carrière de chef de chantier, il est sans doute attiré par le désastre matériel. Arrivé à bord d'un 4x4 kaki de l'Inventaire forestier, avec gyrophare, coiffé du képi et habillé de l'uniforme correspondant, Philippe Berre se présente sous le nom de Philippe Le Bert, fonctionnaire détaché du ministère de l'Agriculture venu proposer ses compétences en matière de déblaiement et de nettoyage.Pendant plusieurs jours, l'escroc transporte des hauts fonctionnaires dans son 4x4, volé quelques jours plus tôt dans le sud de la France, se rend utile pour organiser les travaux, crée un PC de crise, s'adresse à des entreprises spécialistes du bâtiment, établit de faux contrats... Mais il n'aura jamais aucun contact avec les sinistrés. Cependant, le 7 mars, le maire de Charron, Jean-François Faget, est intrigué par le comportement de Philippe Berre : l'élu entend l'escroc parler de matériel qu'il veut commander. Inquiet, le maire décide de vérifier que ce bienfaiteur "sympathique" dispose bien des pleins pouvoirs... Après quelques recherches, la préfecture l'informe que personne de ce nom-là ne figure dans les registres. Aussitôt Jean-François Faget prévient les autorités qui interpellent rapidement Philippe Berre et le placent en garde à vue.En urgence, la préfecture doit annuler des contrats et décommander des engins, dont certains sont déjà sur place...> Vidéo : reportage du journal de TF1 après l'arrestation de Philippe Berre.
3. L'escroc condamné 16 fois
Philippe Bere est vraiment ce que l'on appelle un escroc multi-récidiviste. Il enchaîne les impostures, et se fait condamner à chaque fois... Depuis 1983, l'homme a été jugé 16 fois pour des faits d'escroqueries et d'abus de confiance. Voici quelques-unes de ses condamnations.- Entre 1983 et 1996, Philippe Berre invente tour à tour des chantiers à Marseille, Lisieux ou Paris. Par ailleurs, bien qu'il n'en ait pas le diplôme, il devient formateur dans le domaine du bâtiment au sein d'une institution à Rouen. Il se fait arrêter pour chacun de ses délits. Mais l'homme est charmant, persuasif et possède de vraies compétences : les juges d'application des peines sont souvent séduits. Si ça n'est pas le cas, Philippe Berre n'hésite pas à produire de faux certificats d'embauche. Dans tous les cas, l'escroc ressort rapidement de prison. En décembre 1996, il sort de la prison de Troyes et travaille dans une entreprise de travaux publics, Cochery : c'est le point de départ de son incroyable projet sarthois.- En 2001, lors de son procès dans l'affaire de l'autoroute A28 dans la Sarthe, Philippe Berre est condamné à 5 ans de prison par le tribunal de Mâcon. Dès sa sortie en 2006, il récidive à plusieurs reprises mais reste introuvable.- En novembre 2009, l'escroc est condamné à 5 ans de prison, en son absence, pour des faits commis dans plusieurs départements : il s'est fait passer pour un agent de la répression des fraudes à Saulieu (Côte d'Or), pour un agent du ministère de l'Environnement en Corrèze, pour un membre du service du suivi des ours dans les Pyrénées, il a loué 11 chambres (jamais payées) pour un séminaire dans le Loir-et-Cher... Philippe Berre n'est pas emprisonné puisqu'il s'échappe avant son arrestation.- C'est justement pendant sa cavale qu'il se fait arrêter en mars 2010 à Charron, en Charente-Maritime, où il est venu proposer ses services après le passage de la tempête Xynthia.- Le 28 avril 2010, Philippe Berre est condamné à 4 ans de prison par le tribunal correctionnel de Châteauroux, à la suite de 51 infractions d'abus de confiance, perpétrées dans plusieurs départements entre juin et septembre 2008. Dans ces affaires, les victimes sont le plus souvent des hôtels-restaurants qu'il a quittés sans payer. Aujourd'hui, l'incroyable Philippe Berre est incarcéré dans la prison de Vivonne, dans la Vienne.
4. Philippe Berre : un arnaqueur au grand coeur ?
Auteur de nombreuses impostures rocambolesques, Philippe Berre n'est pas un escroc comme les autres... En effet, ses réelles motivations intriguent : l'homme n'a jamais récupéré un sou de ses mises en scène !Philippe Berre est né en 1954 à Paris. Avant sa vie d'escroc, il avait une femme et un fils, qui lui ont aujourd'hui tourné le dos, et ont rompu tout contact avec lui. A la fin des années 1990, la mère de Philippe Berre avait déclaré à des enquêteurs que "Déjà, petit, il mentait tout le temps". Avec le temps, il est devenu expert dans l'art des subterfuges.Philippe Berre a toujours rêvé d'une carrière de chef de chantier. Il ne l'a jamais légalement été. Lors d'une inculpation, il avait déclaré au juge : "lorsque je vois des engins de travaux publics, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'ils m'appartiennent, et qu'ils m'attendent". Ses escroqueries, Philippe Berre les orientera donc principalement vers les chantiers, partout en France. "Je sais que cela n'a aucun sens, mais que voulez-vous, je suis heureux quand je fais ces travaux, je deviens la personne que j'ai toujours rêvé d'être" avait-il ajouté.Voilà bien sa seule motivation, car l'homme n'est pas intéressé par l'argent. Le rôle qu'il aime, c'est celui d'homme providentiel ! Plus que le richesse, c'est la reconnaissance des autres pour son travail que recherche Philippe Berre. S'il dérobe quelque argent, c'est pour le réinvestir immédiatement dans ses projets fous. Lors du tournage du film ''A l'origine'' de Xavier Giannoli (sorti en 2009), retraçant son étonnante épopée dans la Sarthe, Philippe Berre avait précisé au réalisateur que le plus important pour lui était que le film montre qu'il avait bien fait son travail.Les victimes de ses arnaques ? Des entreprises, des hôtels, des restaurants... Mais au cours de ses escroqueries, Philippe Berre a toujours cherché à aider les gens qu'il rencontrait : leur donner du travail, négocier des réductions pour eux... Un Robin des Bois des temps modernes !A savoir : Le juge d'instruction dans l'affaire de l'autoroute de Saint-Marceau a découvert sur la fiche d'état civil de l'escroc que son nom de famille était en réalité "Berri" et non "Berre". Pendant toutes ces années, l'imposteur n'a jamais rectifié l'erreur de prononciation. Aujourd'hui encore, la presse évoque cet homme sous le nom de "Philippe Berre".
5. Philippe Berre : ceux qui l'ont approché témoignent
Au cours de ses nombreuses escroqueries, Philippe Berre a rencontré de nombreuses personnes. Chez certains, il a inspiré une forme de respect. Pour d'autres, il a changé le cours de leur vie.- Xavier Giannoli, réalisateur du film ''A l'origine'' (sorti en 2009), évoquant une période de la vie de l'escroc : la construction de l'autoroute A28 dans la Sarthe :"Il y a chez lui un mélange de générosité, de volonté réelle d'aider les gens, et quelque chose de plus sombre. Je ne pense pas que l'argent constitue sa motivation première. C'est véritablement un personnage hors norme, vertigineux. C'est cette folie qui m'avait fasciné" (''Le Parisien'', 10 mars 2010, après l'arrestation de Philippe Berre à Charon)"J'ai le sentiment qu'en Charente-Maritime, il a voulu se rendre utile. C'est un personnage paradoxal, vertigineux : un escroc qui veut se rendre utile, un imposteur qui cherche une reconnaissance. Il est impossible de savoir quand il dit vrai ou faux. Les gens vont vers lui et le suivent parce qu'il leur dit ce qu'ils veulent entendre". (L'Express.fr, 10 mars 2010)- Olivier Vannier et Malika Neveu, il a été le chauffeur de Philippe Berre sur le chantier de l'autoroute, elle a dépanné l'escroc en assurant des tâches de secrétariat :"Même s'il y avait quelques trucs bizarres, on n'a jamais douté. Il était très sûr de lui. Ne lâchait rien sur la sécurité. Savait ce qu'il voulait. Il aurait largement pu être un vrai chef de chantier". (''Ouest-France'', 10 novembre 2009)"On passait de bons moments. Il avait de la conversation". (''Ouest-France'', 10 novembre 2009)"C'est peut-être grâce à lui qu'on a réussi notre vie. J'ai découvert le métier grâce à Philippe Berre". Olivier Vannier est aujourd'hui lui-même chef de chantier. (''Ouest-France'', 29 octobre 2009)
6. 'A l'origine' : un film qui raconte son imposture
Xavier Giannoli, réalisateur, découvre l'incroyable histoire de l'autoroute A28 dans les journaux. Il décide de s'en inspirer pour un film et rencontre Philippe Berre, alors incarcéré, afin d'en apprendre plus sur son histoire. Il a également tenu à rencontrer Laurent Leguevaque, ancien juge d'instruction en charge de l'affaire.Le film ''A l'origine'', sous-titré "Est-ce un escroc ou un héros ?", met en scène Philippe Miller (Philippe Berre), tout juste sorti de prison, qui se présente comme un chef de chantier envoyé par une grande entreprise de travaux publics afin de reprendre la construction d'une autoroute, abandonnée quelques années auparavant. Dans cette petite ville du nord, où le chômage est très important, Philippe Miller est accueilli comme le messie, générant un espoir immense et insensé au coeur de la population.Présenté en mai 2009 au Festival de Cannes, le film est sorti dans les salles françaises durant l'automne 2009. Près de 340 000 spectateurs se sont déplacés dans les salles pour découvrir l'histoire étonnante de ce faux chef de chantier qui construit une autoroute.François Cluzet, dans le rôle de Philippe Miller, et Emmanuelle Devos, dans le rôle de la maire de la ville où se construit l'autoroute, ont tous les deux été nommés pour les César 2010, respectivement pour le meilleur acteur, et la meilleure actrice dans un second rôle. Seule Emmanuelle Devos a remporté le César.A savoir : Dans le film, Laurent Leguevaque joue son propre rôle : juge d'instruction.