Ce lundi 25 novembre est celui de la journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes. Zoom sur The Sorority, cette application réservée aux femmes et aux minorités de genre qui propose de leur...
Les faits
Tout commence le samedi 30 octobre 2004. Géraldine Giraud, 36 ans comédienne et fille du célèbre acteur Roland Giraud séjourne dans la résidence secondaire familiale, à la Postolle (Yonne). Elle est accompagnée de Katia Lherbier, 32 ans avec qui elle entretient une relation amoureuse passionnelle.
Les deux jeunes femmes se connaissent seulement depuis le 14 octobre 2004 et se sont rencontrées par l'intermédiaire de la tante de Géraldine Giraud, Marie-Christine Kempen, qui fut aussi l'ancienne maîtresse de Katia.
La mystérieuse disparition
Lundi 1er novembre 2004, à 20h15, Géraldine Giraud reçoit un appel téléphonique sur son portable. Ce sera le dernier. Les deux femmes ne donneront plus jamais signe de vie.
Après trois semaines de recherches, un garde forestier de 41 ans est interpellé. Il s'agit de Jean-Pierre Treiber. Le suspect est en possession des cartes bancaires des deux femmes et des codes de ces cartes. Le 25 novembre 2004, il est mis en examen pour "enlèvements, séquestrations, vols et escroqueries" et écroué à la maison d'arrêt d'Auxerre.
Quelques jours après, le 9 décembre, au terme de 36 heures de fouilles menées dans le jardin de la maison de Jean-Pierre Treiber, deux corps de femmes calcinés sont retrouvés. Des tests ADN confirment que ce sont bien Géraldine Giraud et Katia Lherbier. L'autopsie ne révèle pas de sévices. La mort, selon les experts, est due à un étouffement par un bâillon de ruban adhésif ou à un empoisonnement.
C'est le début d'une enquête de 5 ans, pendant laquelle Jean-Pierre Treiber, principal suspect, n'aura de cesse de clamer son innocence...
Photo : Geraldine Giraud et Katia Lherbier © Capture d'écran BFM TV
Les acteurs clés de l'affaire
Le suspect numéro 1 : Jean-Pierre Treiber
Surnommé "l'homme des bois" par les médias, Jean-Pierre Treiber, 41 ans est garde forestier et ouvrier agricole. Il est décrit comme un amoureux de la nature, plutôt discret et renfermé mais parfois impulsif. Selon son épouse, Jean-Pierre Treiber avait changé il y a 2 ans. Le garde-chasse avait rencontré un nouvel ami, un homme évoluant dans un milieu "trouble", que l'on surnomma "Arnaud le Polonais".
Photo : Jean-Pierre Treiber © Capture d'écran de BFM TV
Marie-Christine Van Kempen : jalouse de sa nièce ?
Marie-Christine Van Kempen est la tante maternelle de Géraldine Giraud. C'est par son intermédiaire que sa nièce et Katia Lherbier se sont rencontrées. Elle fut la maîtresse de Katia Lherbier à qui elle donnait des cours de chant. Katia Lherbier vivait en colocation dans l'appartement de madame Van Kempen. Une des pistes envisagées par la police fut que la tante maternelle de Géraldine Giraud était jalouse de la relation que sa nièce entretenait avec Katia Lherbier, dont elle était éprise... Mais malgré cette piste pourtant sérieuse des enquêteurs, aucun élément à charge ne fut retenu contre Marie-Christine Van Kempen.
Patricia Darbeau, "l'amie" de Jean-Pierre Treiber
Ancienne compagne de Jean-Pierre Treiber, elle était restée en contact avec le garde-chasse. Elle fut très sérieusement soupçonnée par les enquêteurs d'être complice du garde forestier. Les enquêteurs ont découvert qu'elle recélait une partie des sommes retirées à l'aides des cartes de crédit des victimes. La gérante d'une brasserie de Fontainebleau (Seine-et-Marne) l'aurait également vue en compagnie de Marie-Christine Van Kempen en octobre 2004 et de Jean-Pierre Treiber, quelques jours avant la disparition des jeunes femmes. Les trois suspects nieront fermement cette prétendue rencontre.
Arnaud "le Polonais"
Ce proche de Jean-Pierre Treiber est présenté comme un homme louche, un escroc. Il est arrêté en Pologne en mars 2007, dans la ville de Sferm. Les enquêteurs pensent qu'il aurait pu être complice dans le double meurtre de Géraldine Giraud et Katia Lherbier.
Pistes et fausses pistes
L'affaire Giraud connut de nombreux rebondissements et de nombreuses pistes furent explorées.
Jean-Pierre Treiber, un coupable tout désigné En novembre 2004, le garde forestier est interpellé. Jean-Pierre Treiber avait en sa possession les cartes bancaires de Katia et de Géraldine qu'il avait utilisées à plusieurs reprises, pour faire des courses au supermarché. Les enquêteurs retrouvent également à son domicile les cendres éteintes d'un feu de bois, des boutons de jeans, deux morceaux de téléphone portable et des clefs d'appartement. Un mois plus tard, la police retrouve les deux corps calcinés des deux femmes dans le jardin de la maison de Jean-Pierre Treiber. Le 15 décembre 2004, des traces d'ADN du garde-chasse sont retrouvés sur le rouleau de ruban adhésif qui pourrait avoir servi à bâillonner les deux victimes. Tout accable Jean-Pierre Treiber. Les enquêteurs sont persuadés que le garde forestier n'a pas pu tuer les deux jeunes femmes, déplacer leur corps et tenter de les faire disparaître sans l'aide d'un ou plusieurs complices.
La piste du complot
Le 1er mars 2005, la tante maternelle de Géraldine Giraud, Marie-Christine Van Kempen est placée en garde à vue à Sens pendant 31 heures. La police vérifie son emploi du temps. En effet, les enquêteurs ont découvert des traces de chloroforme dans sa cave, un produit de décomposition de la chloropicrine. Un détail important pour les autorités, car le rapport toxicologique a conclu que les deux victimes avaient été tuées par inhalation de chloropicrine. Un voisin habitant la même maison que Marie-Christine Van Kempen affirme avoir entendu des cris et des bruits sourds début novembre 2004, juste après la disparition des deux amies. Des tests acoustiques sont mêmes réalisés à deux reprises en mars et avril 2005 pour vérifier s'il est possible d'entendre depuis l'appartement du voisin, sans succès. Autre élément, la gérante d'un bar de Postolle affirme avoir vu Jean-Pierre Treiber, son amie et ex-compagne Patricia Darbeau et Marie-Christine Van Kempen ensemble quelques jours avant les meurtres.
Le 25 novembre, la tante de Géraldine Giraud est mise en examen et écrouée pour "complicité d’assassinats". Patricia Darbeau est également écrouée pour recel, après que les enquêteurs aient découvert qu'elle avait utilisé les cartes bancaires des deux victimes.
Le double assassinat de Katia Lherbier et Géraldine Giraud relève t-il d'un coup monté, d'un complot orchestré par ce trio trouble ? Le 17 février 2006, le juge d'instruction en charge de l'enquête confronte la gérante du bar et les trois présumés complices. Mais les trois suspects démentent fermement l'accusation et assurent tous les trois que cette rencontre n'a jamais eu lieu.
Quelques jours plus tard, Marie-Christine Van Kempen et Patricia Darbeau sont relâchées. Aucun élément matériel probant ne corrobore le témoignage de la gérante du bar. La piste du complot semble se refermer...
La piste du crime passionnel
Novembre 2007, le quotidien Le Figaro publie une lettre de Marie-Christine Van Kempen et adressée à Katia Lherbier. "Ce fut une jolie rencontre. Je la garde belle dans mon cœur. Je lâche entièrement prise quant à ta rencontre avec GG (ndlr Géraldine Giraud) et vous souhaite de grands moments de bonheur. Je t'ai ouvert grand mon cœur (...). L'ombre de la famille Giraud pèse trop lourd sur moi pour ne pas parasiter mon quotidien à travers votre rencontre. Oh baby I hope you understand. Nos chemins se séparent là pour l'instant..."
La tante de Géraldine Giraud semble accepter que son ancienne maîtresse lui préfère sa nièce. Mais pour les enquêteurs cette lettre amorce un mobile : la vengeance. Trompée par Katia, Marie-Christine Van Kempen aurait très bien pu décidé de se venger et de faire exécuter les deux jeunes femmes en recourant au service d'un obscur garde-chasse, Jean-Pierre Treiber, le seul écroué dans cette affaire...
Le Figaro se procure le 19 septembre 2008 un rapport qui accable la tante maternelle de Géraldine Giraud, qui est désignée comme la "probable commanditaire d'une séquestration-punition". Mais le 13 octobre, le juge Mickaël Ghir fait marche arrière et rend un non-lieu en estimant qu'il n'existe pas de preuves suffisantes pour accuser Marie-Christine Van Kempen d'une éventuelle complicité dans le double meurtre.
La thèse " polonaise"
Nouveau rebondissement, le 22 mars 2007, "Arnaud le Polonais", un proche de Jean-Pierre Treiber est arrêté en Pologne. Il est présenté par les enquêteurs comme un homme gravitant dans un milieu louche et possible complice dans l'affaire. Mais les test ADN, qui auraient pu l’incriminer se révèlent négatifs, et la police abandonne rapidement cette piste. En novembre 2007, les deux ADN inconnus relevés sur le rouleau de ruban adhésif se revèlent être ceux d'un policier suite à une "pollution accidentelle des scellés". Cette découverte remet complètement en cause l'hypothèse d'une complicité avec le principal suspect Jean-Pierre Treiber.
© Photo : Marie-Christine Van Kempen, capture d'écran TF1
L’affaire Giraud : une évasion spectaculaire et une affaire sans procès
Le 8 septembre 2009, après 5 ans d'enquête infructueuse, Jean-Pierre Treiber, qui ne cesse de clamer son innocence, s'évade de la prison d'Auxerre.
L'évasion, spectaculaire, est digne d'un polar. Alors qu'il travaillait dans un atelier de la prison, il se serait caché dans un carton faisant partie du chargement d'un camion destiné à une commune de l'Yonne. Le chauffeur du véhicule ne se serait aperçu de rien, à part d'un trou dans la bâche et des cartons écrasés lors de son arrivée à destination.
Deux mois dans la nature
Des centaines de gendarmes se lancent à la poursuite du suspect "numéro 1", qui devait comparaître face à ses juges en avril 2010.
Un mois après son évasion, le 8 octobre, Paris Match publie trois lettres de Jean-Pierre Treiber adressées à une amie. Le suspect lui donne rendez-vous au bois de Bombon (Seine-et-Marne) le 10 octobre. Mais la police arrive trop tard et les recherches restent sans succès.
Le suspect est finalement retrouvé un mois et demi plus tard à Melun et écroué à Fleury-Mérogis (Essonne).
Marie-Christine Van Kempen de nouveau associée à Jean-Pierre Treiber
Neuf jours plus tard, le président de la Cour d'assises de l'Yonne ordonne un supplément d'information pour recueillir le témoignage d'un ancien co-détenu de Jean-Pierre Treiber. Celui-ci affirme que l'ancien garde-chasse lui aurait confié connaître Marie-Christine Van Kempen. Le 30 novembre, une autre gérante d'un bar d'Autun (Saône-et-Loire) corrobore les dires du co-détenu en déclarant, elle aussi, que Jean-Pierre Treiber et la tante de Géraldine Giraud se connaissaient.
Une nouvelle fois, le nom de Marie-Christine Kempen revient dans l'enquête. Mais le 20 février 2010, Jean-Pierre Treiber se pend dans sa cellule. Ce suicide annule la tenue du procès, prévu le 20 avril devant les assises de l'Yonne. Les chances d'éluder un jour le double meurtre de la comédienne Géraldine Giraud et de Katia Lherbier se referment définitivement...
Jean-Pierre Treiber était-il le vrai coupable ? Avait-il des complices ? La tante de Géraldine Giraud n'avait-elle vraiment rien à se reprocher dans cette sombre affaire ? Des questions qui sont encore aujourd'hui des énigmes...
Photo : © Maxppp