De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Les faits
Jacques et Suzanne Viguier forment un couple heureux, sans problème, vivant dans un pavillon de la banlieue de Toulouse. Mariés depuis le 20 août 1988, ils ont trois charmants enfants : Clémence, née en 1989, et les jumeaux Guillaume et Nicolas, nés en 1992. Une famille idéale en somme... Enfin, c’est l’image qu’ils voulaient donner à la bonne société toulousaine.
La réalité est moins rose. Suzanne, que tout le monde surnomme Suzy, est à bout. Son mari lui est très souvent infidèle et fréquente ses étudiantes de la faculté de droit de Toulouse. Depuis 1998, le couple fait chambre à part.
Un couple en difficultéLa jeune professeur de danse de 38 ans cherche donc du réconfort dans le tarot, qu’elle pratique avec Olivier Durandet, son amant de 31 ans. L’affaire Viguier prend d’ailleurs ses racines après l’un de ces tournois. Vers 4h30, dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 février 2000, Olivier Durandet raccompagne Suzanne à son domicile. Olivier est un habitué des lieux, un "ami de la famille". Jacques Viguier ne soupçonne pas l’existence d’un amant.
Il dépose Suzy chez elle et le couple se donne rendez-vous le lendemain à 14h. Il ne la reverra plus jamais...
La disparitionCe soir-là, Jacques aurait entendu les pas de sa femme rentrée tardivement. Le dimanche matin, le professeur de droit administratif se lève à 8h30. Il aurait aperçu la silhouette de sa femme dormant dans le canapé-lit de la chambre d’amis. A 10h, le père de Jacques passe chercher les enfants. Jacques Viguier serait alors parti faire du jogging à 10h30 et serait rentré à 11h30. Il se serait alors préparé pour rejoindre ses enfants et passer l’après-midi avec eux.
Le soir, en rentrant, la famille s’aperçoit que Suzanne a disparu et que la porte de la maison est fermée à clé. Jacques Viguier ne s’alarme pas immédiatement, la jeune femme aurait l’habitude de s’absenter. Mais il aurait remarqué que le canapé-lit était replié.
Jacques Viguier : suspect numéro 1Olivier Durandet, l’amant, s’inquiète de son côté de ne pas avoir de nouvelle de sa maîtresse. Il appelle Jacques. Sans nouvelle de la jeune femme le lendemain, lundi, et constatant que sa voiture, son sac à main et ses clés sont toujours à la maison, Olivier insiste pour que Jacques prévienne la police. Trois jours après la disparition de Suzanne, le 1er mars, Jacques Viguier se rend au commissariat de Toulouse. Suivant les soupçons de l’amant, les policiers mettent Jacques Viguier en garde à vue le 10 mars 2000. Il est placé en détention provisoire le 11 mai et remis en liberté dans l’attente de son procès le 15 février 2001.
Mais Jacques Viguier ne passera jamais aux aveux. Du fond de sa prison, ou en liberté, il clamera toujours son innocence. De son côté, le corps de Suzanne ne sera jamais retrouvé...
© MaxPPP
Les protagonistes
- Jacques Viguier : professeur de droit administratif à la faculté de droit de Toulouse. Au moment des faits, il a 41 ans. Jacques Viguier enchaîne les conquêtes auprès de ses jeunes étudiantes, et Suzanne n’est pas dupe. Il refuserait de divorcer pour protéger l’image de leur famille dans la société toulousaine.
- Suzanne Viguier : lorsqu’elle rencontre Jacques Viguier en 1985, elle est elle-même étudiante. Elle devient ensuite professeur de danse à Toulouse. Elle crée des chorégraphies et monte des spectacles de cabaret. Lassée des infidélités de son époux, elle a décidé de faire chambre à part. En 2000, elle est enfin décidée à demander le divorce, et a d’ailleurs rendez-vous avec un avocat le lendemain de sa disparition. Elle ne s’y rendra jamais. Au moment des faits, elle a 38 ans.- Olivier Durandet : l’amant de Suzanne Viguier. Il est plus jeune qu’elle, et n’a que 31 ans au moment des faits. Avant la disparition de Suzanne, Jacques ignore la nature réelle de la relation qui unit sa femme à Olivier. Dès le début, l’amant désigne Jacques Viguier comme coupable de la "disparition" de Suzanne. Quelques semaines après la disparition de la jeune femme, il déclare devant témoins qu’il fera tout pour que Jacques Viguier aille en prison.
- Les pro Viguier : Claude, la mère de Suzanne Viguier, a toujours soutenu son gendre. Les trois enfants du couple, Clémence, Nicolas et Guillaume sont convaincus de l’innocence de leur père.
- Les anti Viguier : Hélène et Carole, soeur et demi-soeur de Suzanne croient sans le moindre doute à la culpabilité de leur beau-frère. C’est aussi le cas du commissaire Robert Saby, chargé de l’enquête.
© MaxPPP
L’hypothèse retenue : le meurtre
Dès le début, c’est sur cette théorie que la police a travaillé. Et immédiatement, les soupçons se sont portés sur l’époux. Pour commencer, les policiers essaient de vérifier l’alibi de Jacques Viguier censé être parti faire un jogging. Ils ne trouvent aucun témoin, et personne ne lui connaît cette pratique sportive.
Le sac à mainEn perquisitionnant le domicile du couple, ils retrouvent le sac à main de la victime au fond d’une armoire. Jacques Viguier ne leur avait pas dit l’avoir retrouvé le jour de la disparition. Les clés de Suzanne sont dans le sac, alors que la maison était fermée à clé au retour de la famille, le soir de la disparition. Comment serait-elle alors sortie ?
Les enquêteurs découvrent également des traces de sang du couple dans la maison et dans la voiture de Suzanne. L’accusé explique que sa femme s’est blessée en jardinant, et que, pour sa part, il souffre d’une rhinite qui se manifeste par des saignements de nez.
Le matelas disparuEnfin, et c’est cet élément qui pousse la police à placer Jacques Viguier en garde à vue, les enquêteurs s’aperçoivent que le professeur de droit s’est débarrassé du matelas de sa femme dans une déchetterie la veille de la perquisition. Les policiers espéraient potentiellement y trouver des traces de sang. Le matelas ne sera jamais retrouvé.
Jacques Viguier s’explique d’abord en prétextant que sa femme le trouvait inconfortable, puis change de version et avoue que, depuis qu’il connaît la relation de sa femme avec Olivier Durandet, il a préféré se débarrasser de cet objet symbolique de l’infidélité de Suzanne.
"Viguier s’emballe, ça tourne mal"Le commissaire Robert Saby, en charge de l’enquête a expliqué au procès qu’il n’y avait eu que deux pistes possibles "le mari et l’amant. Mais très vite, c’est la piste du mari qui a été privilégiée. Il nous cachait trop de choses, et trop d’éléments matériels l’accablaient, alors que tout ce que disait l’amant était vérifiable". Voici, selon lui, ce qui s’est passé ce jour du 27 février 2000 : "Elle voulait divorcer. Lui, non. Elle avait rendez-vous avec son avocat le lendemain. Ca se passe dans la chambre de Suzy. Les enfants sont partis, ils se battent. Jacques Viguier s’emballe, ça tourne mal".
© MaxPPP
Les autres hypothèses
D’autres hypothèses ont été avancées par les avocats de la défense pour expliquer la disparition de Suzanne.
- La fugue : Hypothèse la plus probable pour les avocats de Jacques Viguier.
Selon maître Cathala, les lunettes de la victime restées à la maison ne prouvent pas qu’elle soit partie contre son gré. En effet, ses lentilles ont disparu. Elle a pu préférer ses verres de contact à ses lunettes de vue.
Au sujet de la maison fermée à clé, et des clés restées à l’intérieur, il avance que le nombre total de clés disponibles est un peu flou. Olivier Durandet prétend qu’il y en avait 5 (nombre retenu par la police). Jacques Viguier et l’ancien propriétaire de la maison affirment qu’il y en avait 6. Dans ce cas, la sixième clé aurait pu servir à Suzanne pour refermer la porte derrière elle.
En ce qui concerne la voiture restée sur place, l’avocat précise que le dimanche matin, une voisine a vu un taxi embarquer une jeune femme juste devant la maison des Viguier.
Enfin, d’après l’avocat de la défense, le portefeuille retrouvé quelques jours plus tard sur le bas côté de la route confirmerait l’hypothèse selon laquelle Suzanne Viguier voulait tourner la page sur sa vie passée.
- La mauvaise rencontre : La défense a également proposé l’hypothèse d’une rencontre qui aurait mal tourné. A l’appui de cette théorie, les avocats avancent son activité de chorégraphe dans des cabarets transformistes, qui selon eux, peuvent parfois accueillir des personnes peu fréquentables.
Jacques Viguier croit à cette hypothèse. Au procès, lorsqu’on lui demande ce qui a pu, d’après lui, arriver à sa femme ce fameux 27 février 2000, il répond : "Selon moi, Suzy aura fait une mauvaise rencontre, peut-être". Mais pour Robert Saby, il ne s’agit pas de cela : "Une mauvaise rencontre ? Non, nous n’y avons pas cru très rapidement [...] Elle ne serait pas sortie faire une mauvaise rencontre en pyjama. Nous avons tout vérifié. Franchement, ça ne tient pas".
- Le suicide :Dernière hypothèse proposée par la défense, le suicide. Selon les avocats de Jacques Viguier, Suzanne était plutôt faible psychologiquement, contrairement à ce que l’on pouvait croire. Elle aurait été déprimée depuis le décès de son père, et ses déboires sentimentaux avec son mari n’auraient pas arrangé les choses.
Encore une fois, la théorie n’a pas convaincu la police : "Nous avons fermé toutes les autres portes dans cette enquête. A chaque fois, tout nous ramenait vers Jacques Viguier".
© MaxPPP
Les procès
Premier procès : 20 avril 2009, Cour d’Assises de Haute-Garonne, Toulouse
Le 20 avril 2009, le procès de Jacques Viguier s’ouvre devant la Cour d’assises de Haute-Garonne. Le professeur de droit se montre plutôt confiant et espère que "ce procès permettra enfin de démontrer mon innocence. Je ne doute pas du jugement puisque, dans le dossier, il n’y a rien qui démontre autre chose que mon innocence".
Les parties civiles, elles, souhaitent surtout connaître le fin mot de l’histoire, et savoir où se trouve le corps de Suzanne. L’une des soeurs de la victime s’est d’ailleurs directement adressée à Jacques Viguier : "Je sais que tu l’as tuée. Dis-moi au moins où tu as mis son corps. Je sais que tu ne l’as pas fait exprès. Mais tu l’as tuée. Dis-le ! C’est dégueulasse sinon !".
De son côté, la mère de Suzy, qui a toujours cru son gendre innocent a déclaré : "il n’a pas tué ma fille, je le sais. Il n’y est pour rien et il n’y a aucune preuve pour me faire changer d’avis. Il n’y en aura pas". Les enfants de Jacques et Suzy ont aussi férocement soutenu leur père : "Dès le départ, on a fait l’enquête à l’envers. On a cherché à accuser mon père au lieu de chercher ma mère" avait déclaré Guillaume, 17 ans à l’époque.
Après deux semaines de procès, les jurés doivent trancher sans preuve, sans corps, sans aveu, sans arme... Le 30 avril, le verdict tombe : Jacques Viguier est acquitté. Pour les jurés, il n’a pas tué sa femme.
Quelques jours plus tard, le 4 mai, le Procureur général fait appel de la décision. Jacques Viguier aura un second procès.
Second procès : 2 mars 2010, Cour d’Assises du Tarn, Albi
Le procès en appel du professeur de droit de Toulouse débute le 2 mars 2010, à Albi. L’avocat général est le même que lors du précédent procès à Toulouse. Il déclare : "je maintiens mes réquisitions de quinze à vingt années [de prison], je n’ai pas d’éléments pour les coups et blessures involontaires ayant provoqué la mort sans intention de la donner".
Comme lors du premier procès, Jacques Viguier continue de clamer son innocence, et bénéficie du soutien de sa belle-mère et de ses enfants.
Mais le deuxième procès est marqué par un coup de théâtre. Lors de l’audience, Séverine Lacoste, une baby-sitter des enfants à l’époque des faits, révèle qu’elle a effectué un faux témoignage lors du précédent procès. En effet, deux jours après la disparition de Suzanne Viguier, elle s’est rendue dans la maison du couple, mais pas seule comme elle le prétendait : elle était accompagnée d’Olivier Durandet, l’amant. Pire, c’est celui-ci qui lui aurait demandé de mentir et de cacher sa présence ce jour-là. Ce fait n’a certainement pas changé l’opinion des jurés sur Jacques Viguier, mais a jeté le trouble sur la personne d’Olivier Durandet.
En seulement 6h30, le jury parvient à un verdict : l’acquittement. L’un des avocats de Jacques Viguier, maître Dupond-Moretti déclare alors "Plus personne ne pourra maintenant suggérer sa culpabilité. Ce n’est pas une victoire de la défense, c’est une victoire de la justice".
Contrairement à ce que craignait Jacques Viguier, le parquet choisit de ne pas porter l’affaire devant la Cour de cassation. Depuis le 20 mars 2010, et ce verdict des jurés, la vérité (juridique en tout cas) est que Jacques Viguier n’a pas tué sa femme Suzanne...
© MaxPPP