Janvier 2025 ne devrait pas connaître d'épisodes climatiques marquants. Si le début de l'année s'annonce frais voire froid sur une grande partie de la France, avec peut-être de la neige en basse altitude, les...
- 1 - "Nous jouons, mais il ne faut pas en parler"
- 2 - "Je positionne le canon du fusil face à mon visage, entre mes yeux"
- 3 - "Cette histoire ne me regarde pas. C'est votre problème"
- 4 - "Il me demande de retirer ma plainte"
- 5 - "Il va se suicider, ton frère, et tu l'auras sur la conscience !"
- 6 - "Je ne suis plus le fils de personne"
Exilé depuis 5 ans à l'étranger, Laurent de Villiers, le fils de Philippe de Villiers, revient en France pour la sortie de son livre Tais-toi et pardonne (Editions Flammarion), dans lequel il raconte que son frère, Guillaume, aurait abusé de lui lorsqu'il était plus jeune.
"Nous jouons, mais il ne faut pas en parler"
L'Express a eu accès à des extraits du livre et les a publiés. On apprend ainsi que les faits supposés auraient débuté en 1994. Laurent, alors âgé de 10 ans, passe un moment avec son frère Guillaume, 16 ans à l'époque : "Il est doux. [...] Me dit qu'il va m'expliquer plein de choses indispensables, très importantes. Comme le sexe. [...] Il me dit que je suis son petit frère, qu'il m'aime. [...] Il me dit que nous sommes pareils, que nous avons le même problème, que nous sommes pervers, obsédés par le pêché de chair... [...] Il me dit que nous 'jouons', mais qu'il ne faut pas en parler."
Et parfois, les gestes se seraient faits plus violent. Le jeune Laurent, terrifié par son frère, aurait alors menti à ses parents en prétextant une chute dans les escaliers pour expliquer les hématomes sur son corps.
"Je positionne le canon du fusil face à mon visage, entre mes yeux"
Laurent de Villiers raconte que sa souffrance est telle qu'il pense même à mettre fin à ses jours. Il raconte ce fameux jour : "Calme, le fusil entre mes mains. Je sais ce qu'il me reste à faire. Je regarde le papier sur lequel j'ai griffonné à l'intention de papa, maman, mes frères et soeurs, un seul mot : 'Pourquoi ?'. J'enlève la sécurité. J'arme. Je positionne le canon du fusil face à mon visage, entre mes yeux. Ca devrait être rapide. [...] Mais dans le silence absolu de la maison, une sonnerie retentit. Mon portable". Ce coup de fil lui évite finalement de commettre l'irréparable.
Dans Tais-toi et pardonne, Laurent de Villiers est aussi très critique vis-à-vis de son père Philippe, qu'il accuse : "Et toi, papa, qui savais mais qui esquive. Combien de fois ai-je essayé de te parler et combien de fois as-tu détourné le regard ? [...] J'ose m'asseoir face à toi, le bureau entre nous. 'Papa, il faut que je te parle... de Guillaume'. Tu te lèves, fermes la porte et les fenêtres. Tu te rassois, me regardes. Enfin... 'Maman t'en a parlé.' Tu acquiesces et, pour la première fois, j'entends : 'Raconte-moi'. Je prends ma respiration. 'Voilà, papa...' Une sonnerie résonne. Ton portable."
"Cette histoire ne me regarde pas. C'est votre problème"
A ce moment-là, Laurent de Villiers prend ça comme "une invitation à quitter les lieux. Je m'exécute. La France ne peut pas attendre. Moi si." Une demi-heure plus tard, Philippe de Villiers aurait revu son fils, à qui il aurait déclaré avoir "réfléchi. Cette histoire ne me regarde pas. C'est votre problème".
A défaut d'avoir trouvé de l'aide au sein de sa famille, Laurent de Villiers choisit de se tourner vers la justice. Moins d'un mois après avoir reçu un email de son frère Guillaume dans lequel ce dernier reconnaît la gravité des actes qu'il lui a fait subir, Laurent décide de faire appel aux juges. "30 octobre 2006. J'ai honte. Je me sens coupable de porter plainte, d'être obligé de porter plainte. Je porte en moi la honte tenace d'avoir été souillé, sali. [...] Et je dois répondre, encore et toujours, à la question que je ne cesse de me poser : 'Pourquoi vous n'avez rien fait ?' Pourquoi ?... Parce que j'avais 10 ans, parce qu'il en avait 16... Parce que je n'avais ni la maturité intellectuelle ni la force physique".
"Il me demande de retirer ma plainte"
Finalement, Philippe, le père, et Laurent, le fils, finissent par avoir cette conversation trop souvent repoussée : "Je lui raconte le plus honnêtement du monde les raisons de mon action. Il m'écoute. Il me regarde. Il me laisse parler. Il opine de la tête. Lorsque j'ai fini, après un long silence, il se lance à son tour, me suppliant de lui donner mon pardon." Philippe de Villiers lui aurait alors promis qu'il allait s'occuper de lui : "J'arrête la politique. C'est fini, tu n'as plus besoin de te battre. A partir d'aujourd'hui, je vais te défendre. Il faut trouver une solution pour qu'on s'entende à nouveau. On peut sauver cette famille, toi et moi".
Laurent de Villiers aurait aveuglément suivi les conseils de son père. "Il me demande de retirer ma plainte. [...] Alors que je me remets à peine de notre discussion, il passe discrètement un coup de téléphone à son avocat. Une heure plus tard, une lettre tapée à la machine arrive à son appartement. Mon père m'assoit à sa table, me donne un stylo, du papier et me demande avec une infinie douceur de recopier la lettre de son juriste. [...] Je recopie et signe."
"Il va se suicider, ton frère, et tu l'auras sur la conscience !"
Malgré trois lettres de rétractation, le juge souhaite poursuivre l'enquête. Laurent de Villiers reçoit alors un coup de téléphone de son père. "Il faut que tu expliques au juge que tu as menti pour me faire du tort. Il te croira, puisque c'est ce que mon avocat lui a expliqué". Surpris, Laurent aurait affirmé ne pas comprendre : "On n'a jamais convenu de ça lors de la réconciliation ?". Furieux, Philippe de Villiers aurait hurlé : "Tu veux que ton frère aille en prison ? Hein, c'est ça ? Tu veux le voir derrière des barreaux ? Il va se suicider, ton frère, et tu l'auras sur la conscience !"
Le juge cherche cependant toujours à comprendre les différentes rétractations de Laurent de Villiers. Le jeune homme raconte que sa "famille s'est réorganisée et a inventé une tout autre version des faits. Ainsi, mon père, celui-là même qui m'avait promis son soutien et son aide, prend la plume pour expliquer au juge que c'est moi qui aurais demandé pardon en retirant ma plainte. [...] Durant la confrontation, Guillaume ne lâche rien. [...] Il s'est bien préparé. Dans les couloirs, je l'entends parler avec mon père au téléphone. Moi je n'ai rien d'autre que la vérité."
"Je ne suis plus le fils de personne"
Le 17 décembre 2010, la Cour d'appel de Versailles prononce un non-lieu à l'encontre de Guillaume de Villiers. La cour estime ainsi que les éléments à charge doivent être "relativisés" au regard des déclarations divergentes de Laurent de Villiers. Se trouvant selon elle confrontée à "deux thèses cohérentes", elle s'estime incapable de se prononcer.
Aujourd'hui, Laurent de Villiers cherche à se reconstruire et à tourner la page. "Dans quelques mois, je vais devenir citoyen américain. Je choisis le pays des rêves, de la renaissance et renonce à tout jamais à mon nom. La demande à l'immigration américaine pour le changer est en cours. Une seconde chance et un pays où je ne connais que l'amour. Aujourd'hui, je ne suis plus le fils de personne".
Le témoignage complet de Laurent de Villiers dans Tais-toi et pardonne, Editions Flammarion, 292 pages, 19 euros.
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