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Depuis 1986, les victimes d'attentats sont indemnisées par le Fonds de Garantie, organisme se chargeant aussi des accidentés de la route. Pourtant, il n'a jamais été utilisé pour indemniser les préjudices d'angoisse, d’attente et d’inquiétude subis par les cibles du terrorisme. Dans le Livre blanc sur les préjudices subis pendant les attentats, 170 avocats expliquent pourquoi ces trois notions doivent être reconnues.
Le préjudice d'angoisse, nous explique Me Marie-Eléonore Afonso, co-signataire du livre, "c’est ce que vous ressentez quand vous êtes dans la fosse du Bataclan, et que vous prenez conscience que c’est votre dernière heure. Ce que vous ressentez en assistant à la mort des gens." Les notions d'attente et d'inquiétude, elles, désignent la situation des familles sans nouvelle d'un proche présent à l'endroit d'un attentat.
Pour faire valoir ces principes dans la défense des victimes, le livre blanc s'appuie sur d'autres affaires qui ont donné lieu à des dédommagements. Il évoque l'accident de bus de Puisseguin, qui a coûté la vie à 43 personnes ; la collision entre un car scolaire et un TER à Allinges, qui a fait 7 morts et 49 blessés ; ou encore le crash de l'avion de la compagnie Yemenia Airways, qui n'a laissé qu'une survivante sur 153 passagers.
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Le "calcul" des traumatismes
Pour ces trois affaires, les préjudices d'angoisse, d'attente et d'inquiétude avaient été pris en compte. La Cour de cassation rechigne pourtant à en faire profiter les victimes de terrorisme. Aussi le livre blanc a-t-il dressé une liste de critères objectifs qui, selon les avocats, devraient être pris en compte dans un procès.
Le degré du préjudice d'angoisse, par exemple, serait calculé selon la "durée d'exposition à l'acte terroriste", la "confrontation aux comportements inhumains", "la peur pour ses proches présents sur les lieux", le "retard de prise en charge par les secours", etc. L'indemnisation, précise le livre, pourrait être comprise entre 12 500 euros et 175 000 euros.
Quant aux préjudices d'attente et d'inquiétude, le texte mentionne l'incertitude vécue par les familles, le temps pendant lequel elles ont attendu des nouvelles, mais aussi les annonces indésirables... par exemple, apprendre la mort d'un proche par le biais d'un média. Évoquant les sommes de 10 000, voire 12 000 euros, allouées aux victimes d'accidents, les avocats réclament une indemnisation plus élevée, en vertu du caractère intentionnel que revêt un attentat.
Un parcours du combattant
Ces notions ont dû attendre 30 ans pour être mises en valeur, déplore Me Afonso, "parce que le droit des dommages corporels est quelque chose que les gens méconnaissent fortement". Elle ajoute qu'"en France, nous avons un système d’indemnisations qui laisse à penser aux victimes que la démarche est facile".
En réalité, comme elle l'explique, "les choses ne sont absolument pas évidentes". Les victimes "doivent se battre" pour que leur préjudice soit reconnu et pour être rétribuées. L'avocate, qui a été au contact de nombreuses victimes, assure que "ce n’est pas l’argent qui les intéresse", mais plutôt "la reconnaissance de ce qu’elles ont enduré".
Derniers remparts : le gouvernement et l'État
"Le livre blanc était une première étape", se réjouit Me Afonso, "c’est le fruit d’une trentaine de réunions de travail". Même la secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes, Juliette Méadel, soutient la démarche.
En outre, poursuit l'avocate, en revenant à la situation des plaidants, "quand on l'explique aux juges, ils le comprennent très bien". Les obstacles restants sont "l'État et le gouvernement". Si ces derniers "veulent vraiment aider les victimes, il faut qu’ils fassent en sorte qu’elles soient reconnues en tant que victimes", assène-t-elle.
Me Afonso craint cependant "qu’il faille plaider". "Si ce n’est pas accepté par le gouvernement, promet-elle, si l'on doit passer par les tribunaux pour faire évoluer le droit et faire reconnaître le préjudice, je pense que des avocats s’y mettront... et j’en ferai partie."
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