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"Je pense que madame Hidalgo est le pire maire qui peut exister . Si le choix est entre madame Hidalgo et madame Dati, à titre personnel si j'étais électeur à Paris, je voterais largement Dati plutôt qu'Hidalgo", déclarait récemment Marine Le Pen sur les ondes de France Inter, apportant comme son père son soutien à la candidate Les Républicains. D'après elle, il est essentiel de "tout faire pour battre madame Hidalgo". La socialiste, indique Le Figaro, s'est immédiatement saisie d'une telle occasion pour honnir sa rivale, jugeant que de telles déclarations constituent "un sujet d'inquiétude" et rappelant combien elle trouvait cela angoissant que l'ancienne garde des sceaux "soit soutenue par toute la famille Le Pen".
De quoi effrayer Rachida Dati ? Peut-être, estime le quotidien national pour qui un tel ralliement pourrait effectivement "faire fuir les plus centristes de ses électeurs hésitant avec un vote en faveur de la République en Marche". "Nous ne commentons pas des déclarations faites par une responsable politique qui n'est pas impliquée dans la campagne parisienne. Le parcours républicain de Rachida Dati parle de lui-même", a balayé Nelly Garnier, la directrice de campagne de l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy.
Pourtant, à en croire le politologue Christophe Bouillaud, une telle manœuvre pourrait ne pas s'avérer aussi embarrassante que le pense le titre de presse. Au contraire, même. "Quand Le Figaro parle de soutien 'plus retentissant que déterminant', il a raison. Mais à la place de Rachida Dati, je ne m'inquiéterais pas de voir une partie de mon socle électoral s'en aller pour rejoindre LREM : les plus au centre sont déjà partis et la remarque de Marine Le Pen contribue au contraire à ancrer l'idée d'un duel avec Anne Hidalgo. Se faisant, Agnès Buzyn en souffrira probablement plus que la candidate de la droite. Dans tous les cas, l'effet restera très marginal", note le chercheur.
Pourquoi Marine Le Pen annonce-t-elle son soutien à Rachida Dati
D'après l'enseignant, qui exerce à l'Institut d’Études Politiques de Grenoble (IEP, Sciences-Po), Marine Le Pen n'a d'ailleurs probablement agi dans le pub de fragiliser l'une ou l'autre des candidates. "En vérité, la présidente du Rassemblement national cherche avant tout une façon d'exister dans la campagne des municipales. N'oublions pas que c'est un scrutin dans lequel son parti demeure fondamentalement inexistant, soit parce qu'il a déjà gagné, soit parce qu'il est hors-jeu. La seule ville qu'il est encore susceptible, c'est Perpignan, qui ne représente rien, d'un point de vue symbolique", analyse Christophe Bouillaud.
"La campagne parisienne est de loin celle qui est le mieux couvert par les médias nationaux. En s’immisçant dedans, Marine Le Pen cherche à attirer l'attention sur elle", conclut-il ensuite.
Marine Le Pen peut-elle piéger la droite en tentant de renforcer la gauche ?
Une chose est sûre : quand bien l'effet pourrait s'avérer minimal, les propos de Marine et Jean-Marie Le Pen contribueront probablement à renforcer le vote en faveur d'Anne Hidalgo. "Ces déclarations polarisent l'électorat. C'est pourquoi elles pourraient, théoriquement au moins, mobiliser celui de la maire sortante", confirme Christophe Bouillaud, qui rappelle tout de même que "les électeurs ayant déjà une idée précise de qui sont les candidates, cela ne devrait pas être décisif sur les résultats finaux".
Mais outre le seul cadre local, Marine Le Pen pourrait-elle tenter d'affaiblir la droite en s'en rapprochant – et en motivant donc les électeurs de gauche – à échelle nationale ? Pas nécessairement, estime le chercheur. "Les municipales ont prouvé combien le Rassemblement national et Les Républicains pouvaient exister côte à côte. Quoiqu'on en dise, la porosité entre ces deux électorats demeure faible, notamment parce qu'il s'agit d'appareil de partis différents", juge-t-il.
"N'oublions pas non plus que la dédiabolisation du RN n'a pas bien marché : le nom de Le Pen continue de peser sur sa capacité à rassembler. Si fort soit-il à l'élection présidentielle, il reste incapable d'élargir son socle électoral de base", note-t-il encore.
Le Rassemblement national restera-t-il un parti minoritaire ?
"Faute d'ancrage local, la dynamique du Rassemblement national s'inverse peu à peu", observe l'enseignant-chercheur, qui note que le parti d'extrême droite propose moins de listes cette année qu'il ne l'a fait la fois précédente. "Dans ces conditions, qui contraignent Marine Le Pen à demeurer minoritaire, il est forcément compliquer de tendre un piège", poursuit-il.
Et Christophe Bouillaud de lister quelques uns des plus gros obstacles se dressant encore sur la route de Marine Le Pen : "Force est de constater qu'elle s'est tirée une vraie balle de pieds en apparaissant régulièrement comme une femme ne connaissant pas ses dossiers et ne travaillant pas ses sujets. Récemment, elle expliquait que le bilan de la France était le plus mauvais d'Europe pour critiquer la gestion de la crise sanitaire par Emmanuel Macron. Si elle n'avait pas donné dans le populisme et falsifié les faits, peut-être son attaque eut-été plus efficace..."
C'est loin d'être le seul problème : parce qu'elle est incapable de construire un groupe à l'Assemblée nationale, elle est mécaniquement invisibilisée, ce qui contribue aussi à donner le sentiment qu'elle ne travaille pas ses sujets. "Ce n'est, certes, pas uniquement sa faute. Mais d'autres figures sans groupe ne font pas montre d'un tel absentéisme", assène le chercheur.