Ce lundi 25 novembre est celui de la journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes. Zoom sur The Sorority, cette application réservée aux femmes et aux minorités de genre qui propose de leur...
FemmesPlus : la Grèce vit une crise sans précédent... Votre album Reste la lumière, est-il une réponse au défaitisme ambiant ?
Angélique Ionatos : Dernièrement, les grecs ont vécu des grands espoirs et d'immenses déceptions, notamment après l'élection d'Alexis Tsipras et de son action qui n'a pas fonctionné. Tout mon disque parle de cette tristesse et de cette injustice qui frappe le peuple grec. Le pays se retrouve actuellement dans un état politique catastrophique. La situation des migrants qui arrivent en masse sur les îles est effrayante et la politique sociale ne s'arrange pas : hôpitaux délabrés, système de santé calamiteux, coupe de les retraites, baisse du Smic... Alexis Tsipras n'a pas été à la hauteur et surtout, n'a pas tenu ses promesses de changement. J'avais beaucoup d'espoir et finalement tout s'est envolé. Je trouve plutôt mon album assez sombre dans l'ambiance même si j'essaye, à travers la reprise de textes de poètes contemporains, d'y apporter une touche de lumière, d'espoir. Et aussi de colère.
C'est le sentiment de colère qui vous a habité pendant la composition de l'album ?
Oui, la colère était mon carburant mais pas uniquement pour la Grèce. Je trouve que globalement, notre monde va mal... On détruit notre planète à tous les points de vue. La richesse n'est pas partagée correctement : il y a des gens excessivement riches et d'autres qui dorment à la rue. C'est insupportable ! Les êtres humains n'apprennent rien de leur histoire et oublient. Nous avons pourtant tous une part de responsabilité dans ce qu'il se passe... C'est aussi ça qui me met en colère.
Pensez-vous que les artistes français manquent d'engagement ?
Je crois que l'artiste doit pouvoir témoigner de son temps, et je remarque qu'ils ne sont pas très nombreux, en France, à prendre la parole pour dénoncer ce qui ne va pas. Quand j'écoute la radio, je trouve les paroles de plus en plus légères, avec des textes souvent insignifiants. Je ne sens plus de véritables prises de position, de point de vue politique. Cela m'étonne car il y a tellement à dire...
Vous considérez-vous comme une artiste engagée ?
En tout cas j'essaye de témoigner de mon temps et je ne conçois pas de faire autrement. D'ailleurs, quand je suis sur scène, je sens la colère monter... Quand je pense à mon pays, je suis révoltée.
Dans vos chansons, vous reprenez les textes des poètes grecs, êtes-vous aussi poétesse ?
Non, je ne suis pas poète, je suis musicienne. En revanche, j'ai grandi dans une famille très sensible à la poésie. Ma mère était une vraie mordue de littérature, elle m'a beaucoup lu de poèmes quand j'étais plus jeune. Ma mère chantait aussi très bien et avait une belle voix, elle m'a énormément inspiré dans son approche de la littérature, de l'amour des mots. Je joue également de la guitare depuis que j'ai 11 ans, c'est mon grand amour !
Comment les Grecs accueillent-ils votre musique ?
J'ai quitté la Grèce à l'âge de 14 ans, j'étais donc assez petite... Et puis, je suis une grecque de la diaspora qui a été nourrie de musique du monde, de chansons françaises, de musique classique. Aussi, je me doute bien que pour certains grecs, ma musique est un peu étrange, hybride. Mais ce qui me fait plaisir, c'est que les jeunes viennent m'écouter. Il faut savoir que la poésie est très populaire en Grèce, contrairement à la France. Je dirais même qu'elle est tissée au peuple grec : les livres de poésie se vendent comme des petits pains. C'est très culturel : le pays a vécu sous l'oppression de l'Empire ottoman pendant plus de 500 ans et notre langue est devenue sacrée. Elle a réussi à survivre, c'est très beau, il faut continuer de la défendre.
Angélique Ionatos sera en concert le 8 avril 2016 à la Cigale à ParisRetrouvez dans les bacs, son album Reste la lumière