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Il a essuyé crises sur crises. Outre les Gilets jaunes en début de quinquennat, Emmanuel Macron a du gérer plusieurs mouvements contestaires : les syndicats se sont levés contre sa réforme du code du travail et, plus tard, tout ou partie de la gauche a dénoncé la transformation amorcée du système de solidarités intergénérationnelles. Bloquée, y compris à Noël, la France a fait face à l'une des plus longues grèves de son histoire récente - sinon la plus longue. Et puis, début 2020, le coronavirus CoVid-19 a fait son entrée en scène dans l'Hexagone.
Depuis, le chef de l'Etat et son gouvernement font l'objet de mille et une critiques, de mille et un procès en incompétence, en raison de la gestion chaotique de la crise sanitaire. La dégradation de la situation épidémiologique ne constitue qu'une partie du problème : les directives parfois très confuses - notamment sur les masques, par exemple - du gouvernement ont aussi joué un rôle considérable.
Force est de constater, aujourd'hui, qu'Emmanuel Macron survit politiquement mieux à la crise que son Premier ministre. Sa cote de popularité, sur le mois d'octobre 2020, a grimpé de trois points et s'établit à 35% d'opinions favorables, rappelle Sud-Ouest sur la base d'un sondage Elabe pour Les Echos et Radio Classique. Celle de Jean Castex chute de deux points et termine à 26%. Mais cela suffit-il à dire que le président de la République jouit encore d'un capital politique suffisant pour mener à bien les projets qu'il défendait en tant que candidat ? Peut-être pas.
De quel capital politique Emmanuel Macron bénéficie-t-il encore ?
Certains parient d'ailleurs sur un report de la "mère des réformes" pourtant si attendue. D'autres, au gouvernement notamment, espèrent encore "pouvoir poser les bases qui permettront, à terme, le basculement vers le régime universel", écrivent nos confrères du Point. Un pari risqué ? "Emmanuel Macron n'a plus le même capital politique que celui avec lequel il a débuté son mandat", souligne d'entrée de jeu Christophe Bouillaud, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'IEP (Institut d'Etudes Politique) de Grenoble, qui estime qu'il ne reste "plus grand chose" au chef de l'Etat.
"Emmanuel Macron a commencé sur une proposition de centre-gauche. Aujourd'hui, il s'est largement droitisé. Dans un premier temps, il a radicalisé sa ligne économique et sociale avant de faire de même, en seconde phase, avec son rapport à l'ordre public ou à la religion - notamment l'islam. Dès lors, il a perdu toute la dimension centriste qu'il avait défendue en 2017", poursuit le politologue.
"Mécaniquement, un tel virage ne peut que décevoir les électeurs qui l'ont porté à l'Elysée. Mais ce n'est pas le seul problème", avance encore l'enseignant, qui rappelle une autre des promesses importantes : "Le chef de l'Etat s'est fait élire en portant l'idée d'un renouvellement du monde politique. Mais le vieux monde l'a vite rattrapé. " Et lui de pointer du doigt le caractère très partisan des membres de La République en Marche, entre autres choses…
Emmanuel Macron a-t-il vraiment besoin de capital politique pour réformer les retraites ?
Pour autant, estime Christophe Bouillaud, cette faiblesse évidente dont fait preuve le chef de l'Etat pourrait ne pas constituer un obstacle à ses velléités de réforme.
"D'un point de vue législatif, Emmanuel Macron peut tout à fait réformer le système de retraite français. La majorité des députés de La République en Marche sont prêts à l'accompagner jusqu'au bout, puisque ceux qui sont restés font preuve d'une loyauté sans faille depuis le début du quinquennat. Dès lors, ils voteront ce que souhaite le chef de l'Etat, puisqu'une fois tiré, il faut boire le vin", souligne le politologue. Pire ! La crise sanitaire pourrait même faire le jeu du président. "Le confinement rend l'organisation d'un mouvement contestataire particulièrement complexe", précise en effet le chercheur.
Somme toute, le choix de faire ou non la réforme des retraites relève donc du calcul politique. Et le politologue de conclure : "Bien sûr, mener à bien la transformation de notre système de solidarité inter-générations reviendrait à afficher un profond mépris des gens qui ont protesté. Mais dès lors que l'on décide de se passer de la grosse majorité des votes salariés, c'est un pari rentable. D'autant plus que le contexte étant ce qu'il étant, il y a de fortes chances que le seuil d'accès au deuxième tour soit bas. Il suffit alors d'être la plus grosse minorité…"
Faiblesse d'Emmanuel Macron : qui en profite ?
Face au faible capital politique d'Emmanuel Macron, certains ont d'ores et déjà annoncé leurs ambitions pour 2022. C'est le cas, notamment, de Jean-Luc Mélenchon : le patron de la France Insoumise a décidé de "proposer sa candidature", comme il l'a écrit sur le site de son parti. D'aucuns prêtent aussi des intentions à Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, rapporte Valeurs Actuelles. Pourtant, estime Christophe Bouillaud, personne ne profite véritablement de la faiblesse du chef de l'Etat.
"Force est de constater que personne n'arrive à se démarquer et c'est cela qui est dramatique. La candidate du Rassemblement national elle même reste dans son ghetto : sa popularité n'explose pas. Personne ne semble en mesure d'articuler un projet alternatif suffisamment fort pour concurrencer Emmanuel Macron. Il bénéficie aujourd'hui d'un véritable effet d'aubaine", assène le politologue qui estime que c'est "surtout à gauche et au centre-gauche que cela pêche, faute d'un candidat sérieux".
"Si Emmanuel Macron demeure relativement populaire auprès des conservateurs, c'est aussi parce qu'ils n'ont personne d'autre", souligne-t-il encore. "A droite, chez Les Républicains, il n'y a pas de leader, personne qui soit aujourd'hui en mesure de prétendre concourir à l'élection présidentielle. C'est complètement contraire au fonctionnement normal d'un grand parti politique en France, sous la Vème République. Si une figure parvenait à s'imposer à droite - ou à gauche, d'ailleurs - et à tenir un discours politique charpenté autant qu'à porter la critique du macronisme, la situation pourrait tourner très mal pour le président", juge l'enseignant-chercheur.