Le projet de loi de finances pour 2025 du gouvernement demande un effort de cinq milliards d'euros aux collectivités locales les plus aisées. Et cela ne sera pas sans conséquences sur votre quotidien.
"C'est maintenant qu'il faut intervenir". Ces mots, ce sont ceux du Premier ministre Jean Castex, prononcés jeudi 27 août lors d'un point presse sur la situation sanitaire. Selon les derniers chiffres de Santé Publique France, 6 111 cas ont été détectés en 24 heures jeudi 27 août et 309 clusters sont toujours en cours d'investigation. 4 535 personnes sont hospitalisées, dont 381 en réanimation. Reprise épidémique, seconde vague... De nombreuses rumeurs circulent à propos de la Covid-19. Comment démêler le vrai du faux ? Planet fait le point avec Pascal Crépey, épidémiologiste et enseignant-chercheur à l'École des hautes études en santé publique à Rennes.
Coronavirus : "On peut dire que le virus circule à nouveau"
Que peut-on dire aujourd’hui sur la circulation du virus ?
Pascal Crépey : On peut dire que le virus circule à nouveau. À son arrivée en France et en Europe, la dynamique de l’épidémie faisait qu’une personne infectée était capable d’en infecter en moyenne trois autres. Les générations d’infectés successives augmentaient assez rapidement, à un rythme très soutenu. La croissance de l’épidémie et donc la croissance du nombre de cas étaient très importantes et c’est ce qui a causé cette première vague qui nous a un peu submergés en mars.
Le confinement a permis de ramener ce nombre de reproduction effectif, c’est-à-dire le nombre de contaminations par personne infectée, sous le seuil d’une contamination. Ce R effectif est le même concept que celui du nombre d’enfants par femme : lorsqu’il est inférieur à deux, on dit que les générations ne se renouvellent pas. En épidémiologie des maladies infectieuses, c’est la même chose : si ce R effectif est inférieur à un, les générations infectées ne se renouvellent pas et, au fil de l’eau, le nombre d’infectés va diminuer. Pendant le confinement, il était aux alentours de 0,7 ce qui a permis d’observer une décroissance du nombre de cas, d’hospitalisations, de passages en réanimation et donc de décès.
Jusqu’en juillet, le R effectif était inférieur à un. Pendant cette première période de déconfinement, l’épidémie était sous contrôle mais depuis début juillet, ce nombre de reproduction effectif est passé de nouveau au-dessus du seuil de 1 et donc, mécaniquement, l’épidémie repart, le nombre de contaminations repart à la hausse et donc le virus circule.
Coronavirus : "Il ne faut pas s'inquiéter de tout et n'importe quoi"
La situation actuelle est-elle comparable à celle du mois de mars ?
Pascal Crépey : Le virus circule à un rythme beaucoup plus faible que celui qu’on observait en mars. Quand une personne infectée en contaminait trois, aujourd’hui dix personnes infectées n’en contaminent que 13. Les courbes épidémiques du nombre de personnes infectées, d’hospitalisations, de morts, ne font pour l’instant que frémir. La courbe du nombre de contaminations augmente de façon plus nette parce qu’aujourd’hui nous avons des capacités pour détecter des contaminations qu’on n’avait pas en février ou en mars, ce qui nous permet d’observer précisément cet indicateur.
Faut-il s’inquiéter des chiffres sur les nouveaux cas ?
Pascal Crépey : S’inquiéter d’une façon générale oui, mais tout n'est pas matière à inquiétude. Typiquement, le fait que la dynamique de l’épidémie soit moins soutenue aujourd’hui qu’elle l’était en mars, c’est plutôt un élément rassurant ! Ca signifie que le virus a beaucoup plus de mal à se transmettre dans la population qu’il y a quelques mois. C’est directement lié au fait que les gens portent des masques, se lavent les mains, que les personnes âgées font attention à ne pas trop s’exposer etc. Ca s’explique aussi par le fait qu’on ait un dispositif de détection des cas, des personnes en contact, et que ce dispositif permet d’éviter que des chaînes de transmissions se forment et que l’épidémie reparte.
Coronavirus : "On a tous une responsabilité individuelle et collective"
Les outils mis en place sont-ils efficaces ?
Pascal Crépey : Les outils qui sont mis en place aujourd’hui pour lutter contre cette épidémie fonctionnent et permettent de limiter la remontée de la vague épidémique. Néanmoins, parce que ce R effectif est supérieur à un, toutes ces mesures ne permettent pas de contrôler l’épidémie. Pour qu’elle soit contrôlée, il faut qu’il soit inférieur à un. C’est pour cette raison que certains, à l’échelle locale, imposent de nouvelles mesures, qui ne sont pas toujours bien comprises car on est loin de la situation du mois de mars.
Aujourd’hui, on est en mesure d’avoir des indicateurs relativement précoses. On voit le nombre de contaminations augmenter, il faut plutôt s’en féliciter et se dire qu’on a des voyants qui sont en train de passer au rouge elles aussi, donc qu'il est temps de prendre des mesures pour éviter des conséquences plus graves, comme les hospitalisations et les réanimations. Si ces indicateurs passent au rouge alors on sera forcé d’appliquer des mesures fortes et contraignantes, tel qu’un reconfinement au moins local.
Comment expliquer l’augmentation des cas cet été ? Est-ce vraiment la faute "des jeunes" ?
Pascal Crépey : Dans cette crise on a tous une responsabilité individuelle et collective vis-à-vis de la dynamique de l’épidémie. Le problème ne va pas être posé selon des termes jeunes contre moins jeunes, plus selon des termes de "comportements à risque" ou "comportements responsables". Ça, c’est indépendant de l’âge. Le débat jeunes et pas jeunes n’est pas le bon débat. Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on est responsable d’une reprise de l’épidémie. Ce qui reste vrai d’un point de vue épidémiologique : les personnes jeunes sont en très grande majorité moins à risque de faire des formes graves donc ça peut donner à certains l’impression de ne pas être concernés par cette épidémie et donc ça peut démobiliser une partie de la population vis-à-vis des mesures qui peuvent être assez contraignantes, comme le port du masque.
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que nous sommes un peu dans le même bateau vis-à-vis de ce virus et qu’il est impossible ou utopique d’imaginer que l’on pourrait isoler de façon totalement étanche les personnes qui sont à risque de faire des formes graves de celles qui ne feront que des formes légères ou n'auront aucun symptomes de la maladie. Simplement parce que les plus de 65 ans c’est au moins 20 millions de personnes en France et qu’on ne peut pas isoler 20 millions de personnes et que ces personnes ont aussi besoin d’avoir des contacts.
Coronavirus : "Il va falloir être très vigilant en septembre"
On parle beaucoup d’une "mutation du virus", vous y croyez ?
Pascal Crépey : Ce qui est certain : le virus qui circule aujourd’hui c’est le même que celui qui a circulé en mars. Mutation ou pas mutation, ça ne change rien au problème auquel on fait face aujourd’hui. Le virus qui circule aujourd’hui que ça soit une version mutée ou pas c’est le même que celui qu’on a subi en mars. Les mêmes causes produiront les mêmes conséquences du point de vue du virus.
La différence peut être : soignants et personnel hospitalier ont beaucoup appris depuis mars sur la gestion et le soin des patients touchés, ce qui permet aujourd’hui d’être beaucoup mieux armés vis-à-vis de ce virus parce que l’on sait beaucoup mieux le soigner. Ce n’est pas encore parfait, il y a encore des conséquences assez sévères aux formes graves, mais on est mieux armés. Si aujourd’hui le virus potentiellement tue moins c'est plus grâce à l’expérience acquise par les soignants que par une éventuelle mutation.
Êtes-vous inquiet pour le mois de septembre ?
Pascal Crépey : L'inquiétude qu’on a aujourd’hui c’est que la rentrée des classes et en général le retour des vacances d'été, modifie et augmente les contacts inter-individuel au niveau de la population. Que cette augmentation des contacts soit associée à une reprise plus forte de l’épidémie et donc un R effectif qui augmenterait au-dessus de celui de 1,3 qu’on a aujourd’hui. Il va falloir être très vigilant et bien observer les indicateurs pendant le mois de septembre, pour voir si on parvient à garder l’épidémie au même niveau qu’aout en terme de transmission. Il ne faut pas que l’épidémie accélère.