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Dans un décret d'application de la loi Macron actuellement en discussion, il est prévu de libéraliser les règles d'implantations et de dimensions des panneaux publicitaires dans les petites communes. Une mesure dénoncée par Ségolène Royal.

Les règles sur l’implantation des panneaux publicitaires dans les champs de villages ou de petites villes vont-elles être assouplies ? Comme l’a remarqué un journaliste de Télérama qui a publié un article sur le sujet, "Le retour de la France moche", le diable se cache dans les détails.

En effet, la mesure prévue par la loi Macron devait au départ permettre aux communes de moderniser leurs installations sportives, à savoir les stades, dans l’optique de l’Euro 2016 de football, qui se tiendra cet été un peu partout en France, en permettant l’implantation de panneaux publicitaires lumineux de 50 m2, contre 12 m2 à l’heure actuelle. Le but étant "de dégager des financements pour les propriétaires de ce type d’équipement, notamment les collectivités locales."

Les communes de moins de 10 000 habitants concernées

Seulement, certains accusent les lobbyistes d’avoir profité de cette libéralisation pour proposer d’autres aménagements du Code de l’environnement. Dans l’article 2 du projet de décret relatif à la publicité extérieure, dont l’application est prévue le 1 er mars, il est désormais prévu "la possibilité d’installer des dispositifs scellés au sol dans certaines agglomérations de moins de 10 000 habitants lorsque les spécificités locales communales peuvent le justifier", à savoir surtout quand une zone commerciale se trouve à proximité de celles-ci. Seul garde-fou : les communes concernées doivent appartenir à une unité urbaine dont la "ville centre" comptabilise plus de 10 000 habitants, soit en tout très exactement 1 532 communes.

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Dans l’article 4 (alinéa premier), le décret veut également remettre en cause le mode de calcul de la surface des publicités, en revenant sur la loi issue du Grenelle de l’Environnement qui avait réduit la surface de 16 à 12 m2, rendant ainsi illégaux plusieurs milliers de panneaux. Plutôt que de les enlever, il est écrit que "les surfaces des éléments de support, de fonctionnement, d’encadrement, de sécurité et d’éclairage des enseignes n’entrent pas dans le calcul." Une pirouette qui permet par la suite cette formule, moquée par les associations de défense de l’environnement : "La surface totale des publicités de 12 mètres carrés ne peut en tout état de cause dépasser 16 mètres carrés"…

Le décret (alinéa 8 de l’article premier) prévoit également l’autorisation de panneaux publicitaires numériques de 50 m2 aux abords de tous les grands équipements sportifs. Pas très écologique donc, à même pas deux mois de la fin de la COP21.

Des cartes pour mieux comprendre l’impact du décret partout en France

Pour bien se rendre compte des changements que pourrait opérer ce décret, Paul Desgranges, membre de l’association Paysages de France qui milite contre la prolifération des panneaux publicitaires, a publié plusieurs cartes éloquentes. Sur cette carte (ici), on peut voir les effets du projet de décret dans l’Hexagone, avec en rouge les zones où les panneaux publicitaires scellés au sol seraient nouvellement autorisés (voir ici pour La Guyane, Guadeloupe et Martinique, et ici pour Mayotte et La Réunion).

De manière plus pragmatique, Paul Desgranges a réalisé des cartes en faisant un focus sur certaines villes, telles Dinard (Ille-et-Vilaine) et Alès (Gard) où l’accroissement de la surface publicitaire autorisée va bondir respectivement de 1 678 % et 1 327 % ! L’homme a même publié une autre carte (ici) pointant les effets de ce décret cette fois-ci sur les parcs naturels régionaux.

La mobilisation citoyenne est remontée jusqu’au gouvernement

Afin de ne pas trop brusquer la chose, et par soucis démocratique, une consultation publique sur ce projet de décret a été initiée par le ministère de l’Environnement. Chaque citoyen est invité à envoyer ses observations par courriel jusqu’au 9 février 2016 au ministère ou bien via le site cyberacteur, qui regroupe plusieurs associations citoyennes. Parmi les signataires connus, on note les défenseurs de l’environnement Nicolas Hulot et Allain Bougrain-Dubourg, où des personnalités aussi diverses que Régis Debray, Philippe Delerm, Patrick Pelloux, Hubert Reeves, ou encore l’académicien Jean-Marie Rouart. Le site Terraeco invite les personnes révoltées par les publicités intempestives à poster des photos de cette "pollution visuelle".

Le bruit de la mobilisation citoyenne semble être remonté jusqu’au gouvernement puisqu’Emmanuel Macron et Ségolène Royal ont réagi pour faire taire les inquiétudes. Dans un courrier envoyé le 15 janvier 2016 à l’association Paysages de France, le directeur du cabinet du ministre de l’Economie explique notamment que les entreprises "qui ont volontiers recours à la publicité extérieure pour se signaler, voient leurs possibilités d’expression contraintes alors que l’affichage est l’un des leviers à leur disposition pour promouvoir leur activité."

De même, dans un courrier envoyé le 25 janvier 2016 à l’association, Ségolène Royal s’était dite "attentive" à ce que les mesures prises "ne conduisent pas à dégrader la qualité des paysages et de l’environnement." Et contre toute attente, le ministre de l’Ecologie – annoncé sur le départ lors du prochain remaniement – a annoncé jeudi au Parisien qu’elle ne parapherait pas ce décret, censé être cosigné avec Emmanuel Macron. "Je ne suis pas favorable à l’implantation de gros panneaux publicitaires dans les petites communes de moins de 10 000 habitants et je m’y opposerai, car cela me choque", a fait savoir le ministre au quotidien. "Tant que le décret n’est pas signé, il ne sera pas applicable et je vais le faire changer", a prévenu Ségolène Royal qui accuse le "lobby des afficheurs" d’être "intervenu pour étendre la portée de ce décret qui ne devait porter au départ que sur l’installation de pubs sur les stands dans le cadre de l’Euro 2016."

Pour les afficheurs, les associations noircissent le tableau

Une information que nous confirme Thomas Bourgenot, membre de l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP) qui a fait partie, avec d’autres associations anti et pro publicités, de la seule concertation à ce sujet au ministère de l’Environnement, le 3 septembre dernier. "Suite à cette réunion, où chaque camp a livré ses arguments, il s’est trouvé qu’aucune de nos revendications n’a été retenue dans le projet de décret alors que ceux des afficheurs, oui", s’insurge encore Thomas Bourgenot pour qui "le gouvernement préfère écouter les afficheurs" plutôt que les associations en lutte contre ce projet.

Pour le bénévole, c’est simple : "Les afficheurs ont une force de frappe plus puissante que nous, et peuvent faire du chantage à l’emploi". Du coup, son association et d’autres comme Paysages de France se servent de cette consultation publique "comme d’une caisse de résonance" afin de se faire entendre. D’ailleurs, les associations ont prévu le 10 février de remettre solennellement à Emmanuel Macron toutes les pétitions, qui ont recueilli actuellement près de 45 000 signatures. En attendant, les anti-publicités peuvent compter sur une vingtaine de parlementaires, "principalement des députés écologistes, mais aussi quelques Républicains et UDI", qui a pris à bras le corps ce sujet.

Interrogés par Le Parisien, les professionnels de la publicité affirment que les associations "noircissent le tableau". "Les maires des petites villes de moins de 10 000 habitants pourront toujours s'opposer à l'implantation de panneaux s'ils n'en veulent pas, rassure le président du Syndicat national de la publicité extérieure, Vincent Piot. Mais certains comptent dessus pour faire vivre les zones commerciales de leur commune."

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